LA MER AVEC LA TERRE...
Je suis inlassablement le seuil indéfini de la mer ; frontières illimitées, incommensurables qui se perdent dans les cieux. Là, on effleure, on caresse l'idée de l'Univers, d'un Tout qui se confond, que la Terre draine et égrène vers le rivage comme un fabuleux sablier. En leurs dévalements infinitésimaux, les sables et les rochers s’attardent aux confins de la rondeur, polis et roulés par le vent et l'eau. Ils convolent aux noces du souffle et du sel, de l'embrun et du flot. Parcourues des senteurs et du souvenir des saisons, la mer et la terre composent inlassablement l'osmose des mondes, s'évertuent entre figements et mouvements à émerveiller, à susciter cet émoi dont tant de choses nous rappellent à de lointaines souvenances, immémoriales.
L’eau s’empare de tous les desseins de la terre tandis que la terre cède à l’océan, offre aux étendues immensurables ses dernières volontés d'horizons.
Les montagnes et les vallons s'étendent, gagnent le lit des rivières, dévalant les années comme une pluie de perles. Ainsi naissent les franges littorales, l'or des sables colorés de cristaux de roches. La mer inépuisable et gourmande révèle d'étranges sculptures, frise l’inattendu, auréole l’éveil des monts d’un trait de pinceau pers dans les premiers rais du soleil levant .
Le désir des vagues comble les anses. Le balancement ample de la mer caresse la roche et vêt la grève. Douce étreinte euphonique et audacieuse ceignant les caps et les pointes découpés dans l'azur.
Au large, la mer est brutale. L'horizon n'est que vastité sans concession. Le silence s’étend bleu et profond comme la solitude. La houle lointainement et invisible élève ses vagues d'oracles. Héraut sans faille, tel un chef d'orchestre, elle commande à l’univers en happant à perte de vue les tombants et le glacis des ondes en une multitude d’instants. Ainsi en est-il de l'éternité du grand bleu, hors de temps !
A l'orée des rivages, entre hauts-fonds, récifs et vaste plateaux de roches, au coeur de l’écume tourbillonnante, des flots mugissants, les vagues se donnent. Apothéose, fin, renouveau, voici le printemps perpétuel de la mer.
Elle consacrent leur jardin secret, la frontière unique et partagée des mondes opposés, indispensables l'un à l'autre...
La végétation verdoyante ose avec les ciels si proches d’étonnants contrastes, esquisse dans l’azur et l’ocre des pierres les plus belles arches de terre. Cette frontière végétale, aérienne, à l’aplomb du mouvement et du balancement des vagues, qui s’aventure entre ressauts et abrupts comme une dernière pensée, une ode à l’énergie de l’eau, loue la munificente harmonie des éléments et de la nature vers la lumière et le soleil.
La vie sur la terre est synonyme d'ubiquité. Elle s’aventure au sommet des arbres, inonde les plaines, les collines, caracole à la cime des montagnes pour emplir l’immensité éthérée et l’espace du germe multiple et divers de l'harmonie.
Et puis elle s’étiole lentement en poussières, en fragments d’histoires que le temps charrie uniformément. Vaines impressions de chaos, charrois séculaires poussés vers la mer suggérant l’infini au-delà des dunes et des flots. Qui parviendrait à percer le mystère et la magie d’une seule et gigantesque goutte d’eau, d'un seul grain de sable, de la particule rendue à la vitalité de l'Océan, à la viduité même du Désert si ce n'est le grand Ordonnateur de l'Univers ?…
Abyssale, miracle, augures de la vie venue de tous les horizons, unique et indifférenciée, tout et partie du tout, une seule goutte contient toutes les semailles du temps. Elle féconde les siècles, vagabonde, engendre les moissons de l’existence au comble des hasards et de la nécessité.
Mes pas alentis par tant de beautés et de surprises décèlent un à un les mystères, les énigmes du monde sous-marin. J'invoque l'audace de la vie primitive partie au commencement des mondes découvrir puis révéler la terre. Un être doté de conscience et de tous les sens louange en cet instant l'eau, oasis de la pensée.
Viendra-t-il enfin puiser dans l’inestimable trésor, à la source inextinguible et illimitée des plendeurs de la mer et de la terre, le nectar des cieux, le miel aux saisons écloses.
La terre flotte dans l'univers comme un songe d’île. Elle vogue et dérive dans l’océan sidéral d’un seul regard, d'un mot unique. En son sein la vie n'est que le reflet que la mer et la marée berce sur la rive ; qui va frémissante au gré des tempête inonder le jour comme la nuit de lumières et d’étoiles .
Au bord de la mer, au seuil de la terre fleurit un rêve de partage, de perpétuelle découverte et d’échange. Le pouls de la mer bat à l’unisson du cœur de l’homme. O y caresse ici, silencieusement, humblement, la certitude d’appartenir au périple hasardeux de l’eau... Être du sang translucide de la terre dans la grand messe sacrée et la clarté de l'Univers partie prenante de la divine partition…
Et la mer respire toute la terre, abreuvée des sels de l'existence, exhale un souffle vital qui se répand en pluies de nuages au-dessus de la planète bleue afin que l’on ne l’oublie jamais. Et dans les lointains point au petit jour une île dans la mer .
2 ème Ecriture le 31.03.2012