L'ERRANCE D'UN PRINTEMPS...
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Ce n'est pas moi qui chante
c'est les fleurs que j'ai vues
ce n'est pas moi qui ris
c'est le vin que j'ai bu
ce n'est pas moi qui pleure
c'est mon amour perdu.
Jacques PRÉVERT
Vers
le Cap des tempêtes, un sphinx de pierre rude toise la mer et les montagnes
de l'immense chaîne de Cagna. Nous sommes dans le grand Sud de l'Île de Corse. Colosse, stylite anthropomorphe que le
temps sculpte toujours sur ces éperons de granite, qui a vu, impavide,
passer les coups de vents et les saisons bien avant la conscience du
monde.
En contrebas, au bord de la mer, le printemps désire, déraisonne dans
l'exubérance parfumée des couleurs; la belle saison déroule à nos pieds ses chemins de joie emmenés dans la valse des flots et la trame des
fleurs. Marcher en ces lieux allège, soulève, enivre et tout
l'étonnement de l'être, vacille, trébuche, se fige pour poser un regard
sur l'insignifiante mais ô combien délicate corolle, la mystérieuse
éclosion apétale, ou toutes autres pensées oubliées, de fleurs,
moins banales que ces heures enjôlées, ravies aux villes
tentaculaires.
Le vent d'Ouest et le Mistral ont pour un temps
épargné les rivages, laissant le Levante ébaucher ses songes d'Afrique. La mer, le long de la côte accore, rêve de bleu profond, de la nuit aux îles Cyclades. L'été s'annonce, il tente déjà de languissantes
approches aux fragrances attardées et mélangées de printemps.
Sur
le chemin du retour, comme toute séparation consumée, qui rassemble ou déchire,
quand monte en soi l'onde au goût amer de vapeurs urbaines et de la
foule aveugle, un vieux gréement surgit de la brume. Il accompagne dans l'air cotonneux du
matin nos pas alentis, que la mer et la terre retiennent, ramènent à
contre temps.
Images du passé? pas tout à fait!
Ce
splendide voilier ne respire plus le souffle du grand large, ne pense
plus l'horizon; pourquoi ne hisse-t-il pas, au majestueux portant, à la
brise hâlant le Sud-Ouest ses voiles multiples?
le
vent ne joue plus la symphonie marine dans la cathédrale des voiles, il
ne caresse pas, archer des mers, les cordes tendues et vibrantes des
haubans dans les mâtures. Le voilier n'envoie plus dans la nef céleste les messages dansés d'espoirs langoureux et fébriles.
Les poulies sont muettes, elles immobilisent
les bras de marins lascifs. Le vieux gréement n'est plus plus de la
liesse et de la vigueur des flots, des longs jours de mer .
Il fend désormais la lame comme les heures au rythme des chevaux vapeurs, dans les nuages de fumées et l'iode vaincue...
Une époque fantomatique erre dans un futur qu'elle n'aurait osé imaginer, qui s'est déjà éteinte avant que d'être maintenant à vendre. Face aux fractures d'albâtre des falaises et ces anachronismes brutaux du temps surplombant l'azur, la mer est un écho silencieux, le livre aux pensées ondoyées qui ne disparaissent jamais et se couchent sur la grève.
Alors, des fleurs aux siècles passés, il n'y a qu'un pas! De fourmis ou de géant, indigent ou fortuné, qu'importe, il nous emporte déjà!
Il vient d'être franchi, sitôt oublié et sans espoir de renaissance.
CRISTIAN
Texte et Photos Macro de CRISTIAN