LES OISEAUX DE MER....
Photos, Marco Bordin
Comment sillonner les flots, arpenter la falaise et le rivage sans voir, sans aimer les oiseaux de mer qui dominent l'espace, le vide et qui s'amusent des coups de vent ?
Je pense très sincèrement qu'ils perçoivent nos émotions, nos états d'âme et qu'ils s'invitent souvent, au large, pour les partager, les accompagner. Goûteraient-ils avec le marin aux balbutiements du sillage et de la traversée imminente ?
Les Puffins sont très familiers, hospitaliers parfois quand ils évoluent au large. Ils s'aventurent avec virtuosité dans des orbes, des ellipses et des acrobaties défiant tout entendement. Il est rare de les voire battre de l'aîle tant ils exploitent à merveille le relief des vents sur lequel ils s'appuient inlassablement. Je les observe, ils me guident sur les voies osées du déséquilibre, de l'envol, de la navigation hauturière. Je n'ai jamais pu les approcher du bord, ils ne côtoient pas aisément l'homme sur la terre !
Les admirer et les contempler, dans le jeu et l'exaltation du vol affranchi est pour moi une manne du Tout puissant. Dans le ciel bleu brassé de blancheur séraphique, ils disent la bonne aventure, et en silence tracent un chant de joie.
Il arrive que certains oiseaux me suivent ; intimités des longues distances, peut-être ! Entre solitaires, on se retrouve et l'on se sent bien... Une complicité s'instaure entre nous dans la froidure grise et dépeuplée des tempêtes, d'un jour affligé, d'une emprise terrestre enfin abolie ou partagée.
L'oiseau se fait réconfort, présence, une étincelle de vie au bord du gouffre. Et s'il s'avère d'aucun secours matériel en cas de fortune de mer, il œuvre peut-être avec nous vers l'issue favorable d'une folie risquée sur l'océan. Nous mêlons ensemble ces bribes d'existences évadées, la douce chaleur d'un échange, une simple présence...
Un battement d'ailes et c'est l'azur qui s'ouvre profondément, un voyage qui fredonne déjà le port lointain et la délivrance. L'oiseau s'enivre de rafales et trace sa route sans effort porté par les courants d'air. Comme l'adieu qui palpite au bout de la jetée, il garde le cap sans faillir . Et quand il lance son chant stridulant, lorsque les rivages s'évanouissent ou s'en reviennent, leurs trilles joyeux annoncent au pèlerin, au voyageur et au marin un autre monde empli de promesses.
Je suis sur la mer et je ne vois qu'eux s'amusant et planant dans les cieux, dans les zébrures du soleil levant, au couchant. Il me semble qu'ils n'aient de ciels que la mer infusée d'étoiles inondée de soleil. Dans le grand frais une multitude de moutons gagne l'horizon. Et avec les nuages d'altitude, les vagues étendent sur le grand lit des mers de merveilleuses étoffes lanugineuses. A la côte la houle effrange la terre et de longs napperons lactescents s'éploient. Les oiseaux en les dominant embrassent les cieux et leurs abîmes qu'ils aiment à renverser.
Ils s'effacent la nuit redonnant aux immensités mystérieuses la prégnance obscure des profondeurs abyssales, de la mer et du ciel qui se confondent à travers l'éternité...
Image virginale vêtue de légerté, mi-ange ou esprit de l'onde et des vents, l'oiseau de mer apprivoise le chaos, dompte l'espace et le temps. Il habite les bords de l'abîme, la crête des vagues ou l'embrun.
Il niche au coeur des tombants, affectionne la côte accore que le vol seul et précis autorise. Sa vire est un balcon ouvert sur mille horizons et le grand large, donnant sur toute la mer symphonique. L'oiseau marin vit des vertiges translucides et insatiables des falaises embuées d'embruns.
Grands oracles des océans, l'oiseau sent, il sait le temps et en lisant son vol, à ses retraites timorées vers la terre, aux postures figées et accablées qu'il garde dans le vent, le marin entrevoit le coup de temps, la pluie et la marée, l'accalmie ou la renverse. Ils étaient de la marine à voile et du monde de la mer, à la source de l'adage et des dictons populaires.
On le voit aussi et malgré lui complice des pêcheurs, trahissant les bancs de poissons, révélant les chasses de prédateurs qui précipitent leurs proies à la surface vers d'autres chasseurs plus implacables.
Et sur le frêle esquif vélivole qui m'amène à eux, j'imagine l'amitié qui nous lie, et tel Icare je m'empare de cette aventure ailée, rejoignant en ce don céleste la liesse de tous les oiseaux.
La mer se hérisse, les vagues halètent et le vent nous emporte comme l'abeille. Ne se pose-t-elle pas délicatement sur le pistil s'enivrant du pollen de tout un printemps ; ne vogue-t-elle pas sur l'océan éthéré des fleurs et des parfums.
L'oiseau est une pensée. Le chant immaculée de la nature qui s'envole pour révéler le vaste ciel au-dessus de la mer. Il pérenise un univers d'errances à jamais convenues. Il laisse aux rives et aux brisants le soin d'annoncer son empire loin des terres conquises.
L'oiseau de mer vit de l'océan et noblement, dignement se soumet
2 ème Ecriture le 31.03.2012
15.04.2012
(...) Ils sont plus de deux mille
Et je ne vois qu'eux deux(...)
ORLY, J. BREL