ENTRE NATURE ET CULTURE...
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Au commencement, qu’a-t-il bien pu se passer? Y aurait-il eut subitement ce pas capital redressé, la station debout progressive, libérant le regard vers plus d’indices et la découverte? Puis le geste, le mime naturel et mélodieux comme l’expression spontanée du mot muet, embusqué sans doute dans le regard, expressif déjà comme un masque sur le visage, lancé au-dessus de la quadrupédie, pantomimes dépouillées des premières audaces de bipède, de l‘émotion et des substrats de la pensée et du sentiment... Mystères!
Essayons de comprendre, de cheminer!
Cette manne de nouvelles aptitudes fossiles, de dispositions étranges, n’habiteraient- elles pas aussi le quotidien et la survie de nos compagnons d’aventure depuis les origines de la vie marine et terrestre, maintenues au niveau de leurs premières manifestations et expressions instinctives, vitales, seraient-elles, elles aussi en voie de lentes mutations?
Puis vint l’outil, l’artisan commandé de nos humanités, qui étire, qui étonne le convoi des jours, ravit et engrange les moissons d’images et de souvenirs que l’être doté de conscience mémorisera à jamais dans son cerveau affectif, le rappelant à chaque fois à ses expériences bonnes ou mauvaises, au cours déformant d’un univers de représentations possessives et sectaires... L’être vivant serait détenteur de plusieurs étages cérébraux, sollicités selon ses humeurs, ses instincts primaires, ses desseins aussi, hiérarchisés ou dirigés par on ne sait quelle tutelle , au nom du bien, au nom du mal, du hasard et des nécessités spatio-temporelles!...
A quand remonterait le verbe ancestral, le langage, ce noyau inné, cette structure fixe, commune au genre humain, du langage, de la syntaxe dont parle Noam Chomsky? Indicibles hypothèses, submergées d’émotions, d’étonnements, de faiblesses ? Nul ne peut le dire ! La pensée et l’esprit vont encore et toujours avec les cinq sens pour maîtres, ces sens conquérants, prévalant peut-être au raisonnement discursif, bien trop affairés qu’ils sont à traiter une foule d’informations immédiates, vitales et nécessaires, une kyrielle d’événements qui établiront de nouveaux rapports aux mondes environnants, qui vont organiser le jugement, l‘appréciation d‘une situation donnée, interpeller une âme au fil immensurable d'aventures dignes de l’espèce humaine, au cours des milliers de siècles bâtisseurs...
Ces mots ont pris le temps de la maturation, gorgés d’émerveillements, étreints de douleurs aussi, se confrontant aux manichéismes et à la possession comme corollaires, à la dominance, inquiets devant les mystères de la vie et de la mort, toujours aux côtés dangereux et réducteurs de la morale immorale des immoralistes du pouvoir , de la force et de la richesse …
Qu’importe, après tout ! L’homme, lentement devint et fut cet être complexe, qui peu à peu cherche à s’affranchir des obligations de subsistance pour rejoindre les sentes éclairées de la créativité et de l’Art, des croyances sous toutes ses formes, de la connaissance, des échanges et du partage !...
C’est aussi à partir de la répartition géographique des peuplades et des migrations de l’espèce que l’environnement, les spécificités du milieu naturel, ont pesé de tout leur poids sur la diversité et les différences qui intéressent l’homme des cinq continents, des îles aussi à ne pas omettre. On le voit bien, les hommes vont s’adapter et évoluer davantage sur les plans culturel et ethnique qu’ontogénétique, même si des caractéristiques anatomophysiologiques bien marquées ont pu toucher des groupes de populations distincts, les races pour tendre vers l’état actuel de développement du genre humain.
Ces généralités, devenues presque banales, ne sauraient masquer l’élan spirituel grandissant qui touche le cœur des sociétés dites modernes, si bien qu’il conquiert dans un premier temps davantage les temps libérés des classes aisées que les couches populaires et laborieuses des systèmes d’organisations de tous les groupements humains en pleines phases d’évolutions contrariées.
Tous les grands courants Littéraires, Architecturaux, les Écoles de Peinture et de Musique, les grands Ballets de Danses Régionales et Contemporaines côtoient de très près les cheminements des dominantes majeures de chaque époque, les mouvements de pensées qui les fondent et les traversent; ils vont même au-delà, précurseurs avérés des innovations et des progrès à venir, enrichir le temps présent en perpétuel devenir, antithèse de la vérité irrémédiablement déchue et remise en cause, reléguée aux oubliettes de l’histoire, au gré des modes, des tendances, des credo toujours plus rationnels et positifs de l’évolution.
Très vite, les populations administrées, dans leurs derniers retranchements, se réfugient elles aussi, quelques soient leur appartenance et leur origine sociale et culturelle, dans une réappropriation collective de leurs racines, de leurs biens culturels, des traditions et des terroirs, destinée à fuir le poids insupportable d’un quotidien asservi, uniformisateur.
Subsistance, lutte pour accéder à un niveau de vie convoité, modélisé, prégnance de la propriété, richesses, ne sous-tendent plus de façon exclusive et radicale le quotidien de ces millions d’êtres humains dans la nouvelle grille de civilisation, dans cette jungle où la donne est majoritairement technologique et monétaire. L’habitant de ce monde n’y survivrait pas, il lui faut un exutoire, des temps forts cathartiques capables de le renouer à ses origines, à son ancestralité, à d’anciennes sources d’équilibres psychiques et somatiques perdues, quasiment primitives qui témoignent irrémédiablement du balancement perpétuel de l’existence entre le passé et l’avenir ; le temps présent devant rendre compte pour être viable d’une subtile alchimie de repères connus et d’aventures gratifiantes, au devenir fructueux.
Les activités des hommes explosent à l’infini, surprennent d’ingéniosité ou de virtuosité, la connaissance et tous les modes d’expressions s’envolent et s’enrichissent d’apports divers, des différences indispensables aux mondes. Le verbe bien souvent cède le pas aux moyens d’expressions essentiels, aux sens retrouvés, à l’essence même du vécu, senti, aimé ou haï !
Mais bien au-delà de tout un contexte en pleine effervescence, il y a l’univers des représentations, propre à ces milliards d’êtres humains qui le composent et en décuplent la complexité ; le monde de nos perceptions irait-il avec celui de la réalité, de la mouvance normale, normée ou instituée des étages, de l’empilement bloqué de nos sociétés ? Celui des valeurs et des acceptions sémantiques, plongeant dans cette historiographie dédaléenne, irait-il de concert avec un sentiment d’humanité planétaire partagé, suivant le cours supposé évident de l’évolution ? Comment en mesurer les écarts dangereux et préjudiciables à la sécurité du monde ?
A la lecture de l’histoire tourmentée et brutale des millénaires passés, on comprend aisément à quel point cette vision réductrice et pacifiée de l’humanité est un vœu pieux, une gageure, une impossibilité chronique et combien s’explique le chaos instable qui insinue subrepticement tous les niveaux de la civilisation des hommes chaque jour, chaos peuplé d’intolérances, de dominances, de conflits et de craintes.
L’être individuel n’existe plus, il est véhiculé et mu par un sentiment d’appartenance parcellaire, enclavée, gravitant autour de sphères d’intérêts et de privilèges capables de le transposer vers les plus vils forfaits et destinés, à en préserver la jouissance, la propriété quoiqu’il en coûte !
A ce stade, l’on voit mal comment évoquer toute velléité de changement et de progrès à l’attention des plus démunis et contre les grands fléaux qui affectent la planète !
Les groupements d’associations ne suffisent plus à endiguer les décalages scandaleux et préjudiciables au minimum vital planétaire nécessaire face à l’ampleur des retards consentis, des dégâts occasionnés par une mondialisation violente des rouages, des systèmes économiques et bancaires dont profitent les seuls pays nantis et les groupements industriels.
Alors, il nous est aisé d’écrire, de créer, de se différencier et de jouer sur les mots dans les grands salons, d’ébaucher de grandes théories de l’explication et de l’esthétique, de se placer au plus près du paraître, en avant-première du changement qui n’aurait même pas le mérite de reculer tant il s’éloignerait de l’essence primordiale de l’existence et des valeurs qui lui sont immanentes, qui régnaient bien avant que les hommes les destituent, leur substituent la hiérarchisation, la suite et la juxtaposition des privilèges, de leurs états confortables, de leurs manifestations grandiloquentes et superfétatoires, institués démocratiquement en desseins institutionnels…
Il est à noter que les sociétés dites primitives, ancestrales, ont su léguer, vouer – sans la force de l’écrit – à travers l’oralité et le geste, la danse et les fêtes rituelles, la sculpture et le dessin, la culture et les médecines traditionnelles, les plus belles odes à la nature et aux hommes du passé. Ces consécrations, inscrites dans le quotidien des individus, n’avançaient de vérités qu’à travers le maintien séculaire des grands équilibres, confortées par les interprétations chamaniques des grands esprits et animaient les forces mystérieuses de la Terre, de la mer, des éléments naturels.
Cette prégnance de l’état de nature sur la vie des hommes, quelque soit leur niveau de soumission à la société, se retrouve traduite en actes nécessaires, utiles, voire codés ; elle en devient permanente et magnifiée si bien qu’elle échappe quasiment toujours aux écrits, à l’imagination, au style emphatique et ampoulé de la Littérature classique. Les rapports au vivant et à l’éternel sont de l’ordre du vécu, du bravé, d’un combat en quelque sorte fatal ou initiatique devant l’adversité et les aléas de l’existence repérés de longue date et à affronter comme des passages obligés, des épreuves existentielles salvatrices, rédemptrices..
Dans le monde Occidental, depuis le faste et la prodigalité du monde Hellène, l’imagination, la métaphysique ont investi l’univers aisé des Lumières, la connaissance, l’esprit de toutes les renaissances, les dogmes les plus intransigeants, témoignant d’une instabilité et d’une fragilité notoire des grands courants de la pensée occidentale se perdant dans les méandres d‘une métaphysique vertigineuse, d‘une épistémologie obsolète.
Charnières ou fractures inévitables et bénéfiques entre les époques, les siècles. Césures incontournables et capables de replonger le cours du temps vers d’autres horizons salutaires ou meilleurs… Qui pourra en vérifier et en mesurer les impacts favorables pour le devenir de l’humanité ?
On explore un nouvel outil à des fins récréatives et fantasmagoriques. L’écriture, sous toutes ces formes, jusqu’aux miracles de la pensée terrestre . le " Web " creuset inépuisable de la mémoire des hommes, grave l’avenir passé de l’humanité, ces présents dévorés et consommés de multitudes, en constituent lentement ce patrimoine imprescriptible et lentement incontestable. Le verbe, la pensée, les croyances cheminent, thésaurisées comme les richesses du nouveau monde, elles vont conquérir et bousculer irrémédiablement la tradition, la terre, l’oralité, l’essence même de l’homme demeuré près de ses racines, de ses origines et de ses croyances.
Anachronismes temporels, chocs des Civilisations, erreurs humaines, excès des dominances ou inintelligences patentés des empires déchus ?
Vérités formelles assorties des plus irréfutables démonstration, l’internet règne, il consacre et prosterne l’égo à la face d’un monde implacable…
L’avenir nous révèlera les voies, la voix de la vérité, le gouffre des servitudes lorsque nous serons à l’agonie, parvenus aux extrêmes de nos systèmes très limités, de nos biens, fondés de temporels et d’artifices éphémères. Car il est certain que la civilisation actuelle s’auto régule, à ses propres fins, en omettant fondamentalement les substrats qui la portent et lui assure pour un temps mesuré la subsistance, en oubliant toute idée de milieu environnant régénérant.
Alors nous invoquerons ce que les anciens et la tradition, à force d’oralité et de fidélité à la terre et à l’eau, continuent d’invoquer et de respecter : la nature et l’esprit bienfaisant des forces magiques, tutélaires des éléments, de la forêt, du soleil et de l’eau !
Nous serons les moins pensants, bien avancés, avec toute notre Poésie, notre Littérature, notre Théâtre, cette Musique venue d’ailleurs, le Cinéma, enfin toutes les expressions humaines de l’oisiveté et du confort conquérants, qui après avoir gravis les sommets de la création et de l’inventivité, chuteront lourdement sur une terre meurtrie et gavée d’inexactitudes, lacérée de balafres et de blessures inguérissables aux goûts amers d’égocentrisme humain, d’échéances si courtes qu’elles pueront le pouvoir et la mégalomanie de l‘argent roi …
Il est indéniable que les sociétés dites traditionnelles, aux cosmogonies planétaires avant-gardistes, se plaçaient déjà dans la révolution des mondes et la pérennité de ses ressources, dans le cycle prometteur de la vie perpétuée et palingénésique, paradigmatique. Elles plaçaient le sacré dans cette alchimie souveraine et tutélaire des éléments, encline à assurer pour l’éternité subsistance et joie de vivre, évolution procréatrice et féconde. Elles vouaient à la nature les rites qui s’imposaient, marqués des saisons, des oracles, de la volonté du tout-puissant habitant les forces obscures de la terre. Elles conservaient pieusement la science et le savoir des ancêtres qui interrogeaient la terre et l’esprit des défunts .Le respect les propulsait toujours vers plus d’abondances et de joies. Ainsi s’opérait le plus noble des capitaux, des trésors humains abondant de la chaleur des justes !
Ces hommes des grandes contrées ne se sont pas laissés abuser par les travers de la possession exacerbée, ils avaient de la terre un souci de partage et surtout de respect afin qu’elle demeurât toujours fertile, accueillante ou hospitalière.
Statuer et juger le sens de l’évolution, la marche inexorable du temps, apprécier de façon partisane et galvauder l’homme dans ses diversités ethniques et culturelles n’est certes pas la bonne voie. Nonobstant les travers, les atavismes cruels, les avatars des sociétés dites primitives, les blocages résultant des formes obtuses de l’Athéisme, les multiples frontières de l’animisme, les expressions complexes et asservissantes parfois des mythes, la mégalomanie et les manifestations perverses et dominatrices de certains pouvoirs tribaux, les travers de tous les extrémismes réactionnels, etc ….
Ces regroupements spécifiques de populations, marqués profondément par les invites de la terre et l’attachement aux racines et aux ancêtres demeurent porteurs d’espoirs et de régénérescences à partir d’un socle toujours solide, partagé et aimé.
Il conviendrait pour cela de dépasser ces pratiques rituelles, tribales, ethniques encore en vigueur - je veux parler en l’occurrence de toutes les formes de mutilations physiques- excision, contraintes et déformations infligées au corps des enfants- des manifestations exacerbées de la dominance sexuée, du statut d’infériorité préjudiciable de la femme, le port contraint du voile et de la burka, l’exploitation insoutenable du monde de l’enfance à des fins dévoyées et perverses ou lucratives, la consternante réalité des castes qui perdurent dans certains pays, et bien d’autres irrédentismes infernaux finissant en dictatures pernicieusement et cupidement réinjectées dans le système politico financier mondial.
Pourrait-on entrevoir un quotidien réapproprié, fleurissant des racines saines du passé, enrichi des apports réciproques des valeurs de la civilisation aujourd’hui mondialisée et de l’indispensable fidélité au cours natal et spatial du temps, un développement à la mesure des attentes des communautés, sans calques déformants et avilissants pour une matrice originelle afin que celle-ci s’accomplisse et se réalise dans l’équilibre pérenne du changement, de l‘originalité, de la spontanéité doublée d‘un vrai modernisme à visage humain… Ce monde pourrait-il naître de la vraie nature vertueuse de la Culture, où l'entraide, l'échange, le partage et la justice témoigneraient de l'Amour dispensé au niveau de l'organisation des États et non des seuls êtres dispersés ou minoritaires au sein d 'Associations caritatives et humanitaires? Un univers a semé et aurait déversé les blessures et les accrocs d’une évolution dans un monde non préparé à assimiler brutalement des siècles de mutations, d‘assimilation, de maturation . Des continents entiers, après avoir été conquis, subissent le joug le la déculturation, de l’acculturation et de la réappropriation forcenée de modes de vies contraires, de ces anachronismes lapidant l’acquis séculaire et sacré, les repères incontournables de l‘essor de l‘homme dans son environnement. Le triste visage d’une l’humanité nivelée plonge les masses dans le désarroi, l’exil et la misère, que l’on survole à grand renfort de milliards pour en faire des images chocs, générer de fausses et tardives contritions colorées aux nuances des Tropiques…
Albert Camus ne disait-il pas, avec réalisme et mûre réflexion :
« Né pauvre, dans un quartier ouvrier, je ne savais pourtant pas ce qu’était le vrai malheur avant de connaître nos banlieues froides. Même l’extrême misère arabe ne peut s’y comparer, sous la différence des ciels. Mais une fois qu’on a connu les faubourgs industriels, on se sent à jamais souillé, je crois, et responsable de leur existence . » ( L’ Envers et l’Endroit, Préface, page 16/17 - 1935.1936 )
Alors aujourd’hui, il faut mesurer l’impact des empires, le sens des révolutions stériles ou récupérées, le drain pernicieux et suppurant des dogmes, le faste des systèmes auto régulés et voir la force de l’argent, la faiblesse de l’âme renverser le paradis perdu, tuer la poule aux œufs d’or.
Il règne dans ce monde une frénésie de vies mesurées, décomptées, à vivre et à brûler par toutes les richesses, à travers tous les extrémismes de l’apparat, du faire-valoir que l'on vend de plus en plus cher pour une misère à venir.
Tout est bon pourvu que cela rapporte; on spécule sur l’air, l’eau, la terre après les avoir pourris, et on ose, en haut lieu, instituer des taxes dérisoires, qui n’auront d’effet que dans les poches pleines à craquer de leur instigateurs, certainement pas au niveau d’une hypothétique qualité de l’air recouvrée…
Je sais une minorité d’êtres humains s’ébattre dans l’abondance et une majorité d’âmes en souffrances de malnutrition, de conflits, de mutilations, de maladies, d’exodes, de déracinement, de perte et d’abandon de consciences, de surpopulation, d’analphabétisation.
J’assiste au lynchage de la planète, à la contamination de l’air, au pourrissement de l’eau, à la déforestation révoltante et aux pillages de nos sources d’énergies, tout cela passé sous silence, assaisonné de compromissions juteuses.
Nous souffrons d’un quotidien qui ne porte aucune marque, aucun témoignage de compassion et de changement pour que cesse ce monde froid et cynique, ce monde aveugle et sourd aux cris d’alarmes que ses enfants poussent de plus en plus nombreux et fort !
Je déplore que l’existence puisse se jouer à l’aune de la bourse, du billet vert, des avoirs, de ce miroir aux alouettes qui lentement jette l’humain dans les culs de basses fosses de la barbarie et de l’instant pervers, de la manipulation permanente, de la désinformation chronique et pernicieuse, superfétatoire.
Il y avait pourtant de bonnes cartes dans la donne humaine, à jouer avec la vie, la diversité et les différences, des cartes emplies d’espoirs pour les animaux et la terre, pour le ciel surtout, vers lequel tous les hommes n’osent plus se tourner, ayant irrémédiablement perdu le message, la voix des étoiles bâties en croix, en croissant, en constellations, la voix du temple pacifique et du respect de la vie. Il résonne dans la nef humaine l’écho sanglant et douloureux de la misère et de l’injustice, de ces forfaits puants qui tuent ou blessent des milliers d’enfants chaque jour que l’homme fait, parce que le Tout-puissant n’est plus à ses côtés, parce que les logiques machiavéliques de la systémique, de la basse politique se sont emparées des pays les plus riches et contrôlent nos rêves d’éternels enfants, là où les mots dansent, rient et pleurent, sans lendemain tracés ou morts nés. Elles ont percé nos songes aussi aux parfums de foyer et des saisons, aux couleurs de fruits rouges et blonds comme l’or sapide des blés. Elles bousculent aussi les jours, chauds comme l’âtre, où le fils de l’homme n’aurait pas peur du néant, du vide qu’il habite parfois chaque heure qui passe, au travers de l’insoutenable réalité commandée d’ailleurs, travestis de faux semblants et par des félons.
Il nous reste enfin les mots, le verbe où se perdre, des phrases où se raccrocher pathétiquement à de mirobolantes, d’antiques beautés, de chimériques histoires déchues, des mots à ne plus savoir qu’en faire, à retourner, à multiplier, à confondre, à empiler comme de vulgaires assiettes, aux derniers repas de l’existence et du foyer planétaire éclatés d’indifférences et de multitudes incontrôlables.
Des mots pour dire les maux au quotidien, la laideur des faubourgs si près de la nature souillée, des mots qui ne valent qu’aux côtés de leur contraire, comme le sempiternel bien, l’épouvantable mal habillant la main droite et la main gauche de l’homme, le cœur sur quelle main ? Et pour la bouche, le bâillon ou la potence, la torture, le silence, l’abdication des années déchirées de désespérances amères et nostalgiques, années meurtrières et inutiles.
S’il fallait se débattre, se sauver et fuir l’abominable monstre moderne, je choisirais la mer et le voyage, la survie silencieuse au milieu des flots déchaînés de clartés abyssales pour mieux attendre mon prochain, l’escale et le partage, espérer encore un peu de découverte heureuse, de curiosité. Il y aurait en guise de cène, autour du carré, des rires, un ciel tendre et chaleureux, une table à partager dans la candeur des mots simples et sans phrase, des sourires pour conter la saveur d’un plat unique et généreux, des paroles qui ne se disent qu’avec les yeux, au fond d’un regard émerveillé, d’une main tremblée, d’un geste profond comme l’amitié ou l’étreinte de l’eau bleue de la mer.
L’homme social aurait-il été une erreur, une maladie, une impossibilité ? Sommes-nous victimes du nombre dans toutes les acceptions du terme ?
Capable de penser, de réaliser de si grandes choses, l'homme s’est aussi évertué à en dicter d’épouvantables. Les prismes du pouvoir, de la propriété privée, de la dominance, auraient-ils excité, exécuté les plus viles de nos instincts, ceux-là même qui nous entravent, maux fondateurs de ces iniques systèmes qui perdurent et s’aiguisent avec l’évolution !
Alors, le mot, le verbe, la phrase, fussent-ils conduits en rimes, au théâtre, au cinéma, n’en restent-ils pas moins confinés dans l’immonde cloaque qu’ils dépeignent sans jamais pouvoir en inverser le cours possédé des instincts de la condition humaine, un monde absurde comme le pensait A. Camus, que la vie et l‘existence ne saurait maintenant inverser, un homme déchu sûrement ne répondant plus aux espérances d‘Antoine de St Exupery qui voyait dans l‘âme les piliers intemporels de la terre des hommes et les bâtisseurs de Citadelles…
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Cristian-Georges Campagnac
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