BOIS FLOTTES, ENCORE ! NOUVEAU PROJET
Photos à suivre! soyez patients,
ca va arriver mais très lentement,
"ya" du boulot, oui oui
...
J'en suis au stade de la préparation des planches ( dérivantes et qui se sentaient bien dans l'eau ), que je râpe, dont je dresse sommairement les plans, coupe et prépare, décloue, etc ... Je me mets " serviettes, chiffons, serpillières, torchons ", c'est vous dire; un travail harassant et interminable, très éprouvant pour le souffle et les bras mais qui à la fin récompense.
Des centimètres de bois à enlever, sans teinte ni grain, moussu et vermoulu.Et puis
dessous, c'est la fibre blonde qui renaît, une moisson dorée avant l'heure, sans oublier les parfums retrouvés de la jeune essence, l'encens des arbres.
Je me suis mis à l'esprit, une idée de petit meuble, à suspendre dans une cuisine, ou aussi à poser comme une petite desserte sur des tréteaux croisés de branches, aussi esthétique que fonctionnel - pas facile du tout , çà ! - Pourquoi se compliquer la vie ?
Enfin une de ces créations qui sort des sentiers battus, du déjà vu, avec un zeste de fantaisies, d'outrages au commun des mobiliers, avec pleins d'accrocs au quotidien morne et normé et de ces jours embusqués, qui nous attendent au tournant de l'été, qui veulent nous faire renter dans le rang, de gré ou de force.
C'est aussi un pari, celui de marier le bois et l'équerre aux branches brutes, le tout en une seule structure qui assure la solidité et la ligne dérivante, presque rêveuse de l'ensemble.
Point de mesures, la courbe et les boucles n'aiment pas du tout le genre et qui s'y aventurerait, commettrait des erreurs de novices.
C'est au tout venant, comme un sourire, ton sourire, Sagesse ! On prend et on compose sans abuser... Le bois est là, fidèle conseiller qu'il ne faut point trahir. Il vous emmène alors dans les méandres de nos idées, d'abord les siennes et puis les vôtres, les nôtres, dans une valse sans fin d'agencements et de fiançailles à éprouver sans heurter.
Avec les mots, on peut rêver; mais avec le maillet et le ciseaux à bois, c'est une autre affaire. Chaque coup martèle le temps, s'épuise et puis revient, oublié et redouté, attendu aussi. L'ouvrage se laissera désirer tandis que la volonté, solitaire et silencieuse, marque au front les maux indicibles de l'absence.
Alors, il y a la musique, juste à mes côtés, le chant des mots et de la feuillée, la ronde des pensées qui accompagnent le geste audacieux, l'idée, la composition des heures. Il lui faut aussi voyager, penser, s'évader, arpenter d'autres pénitences.
A l'origine, je trouvai vers un tombant splendide et perdu du littoral, d'une Île que j'adore, une planche immense de bois exotique, aussi rouge et lourde que dense. Je ne savais comment l'emporter, la transporter tout le long d'une piste chaotique de plusieurs kilomètres...
Je n'eus pas le choix, je fis comme ces Indochinois que je voyais, encore enfant, traverser les digues des rizières au Cambodge, avec leurs charges énormes, réparties aux deux extrémités d'un bambou flexible, ces deux sacs de riz pesants autant que le sable mouillé qui oscillaient au bout autour d'un point d'appui douloureux, saignant l'épaule des petits hommes des rizières dont je ne percevais jamais le visage caché par un vaste chapeau de paille.
Je me décidai à faire comme eux, protégeant mon épaule du seul habit roulé qui me vêtait, et je posai mon bien ( cette planche de bois brut de plus de 5 m de long, 30 cm de large, 5 cm d'épaisseur, sans doute plus de 35 Kgs de bois ) sur chacune de mes épaules meurtries, disposé à préserver mes songes d'apprenti - artisan, voyant déjà en images l'ébauche de ce petit meuble que je vous présenterai plus tard.
En marchant, suant toute l'eau et le sel de l'instant, de l'effort sous le soleil mordant de l'été, trébuchant sur la pierre, dans l'ornière, je ne pus m'empêcher de penser à toutes celles et tous ceux qui, de par le monde, triment bien plus encore, tous les jours que le soleil fait, pour une misère, une obole et qui gardent le sourire, la joie d'une journée enterrée ne craignant pas le lendemain. Des êtres que l'on exploite depuis la nuit des temps, sans scrupule, quel qu'en soit le prix, juste pour asseoir définitivement ce qui fonde le marasme et le malheur de l'existence : le pouvoir et la dominance intronisés que commande la terrible nécessité du besoin, de l'éphémère et de l'immédiat!
Car celui qui travaille de ses mains, les mouille à la sueur de son front, embrasse plus profondément l'ouvrage des jours, bercé entre le geste et la pensée
CRISTIAN, du
Bois des Vagues