L'UNIVERS DU PEINTRE ...
Michel LAROCHE
Avec l'aimable autorisation de l'Artiste
MICHEL LAROCHE ARTISTE PEINTRE
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Il est des jours où l’on voyage à travers le monde, en pensées ou à bord d’une expression si chère à Pierre Teilhard de Chardin - la Noosphère - cette entité universelle en devenir que caractérisent les manifestions tangibles, presque palpables d’une conscience planétaire en voie de maturation et qui ne saurait tendre vers d’autres fins que la Matière accomplie, commuée en Esprit, tel un hymne à l’Univers …!
L’Art, esquissé sur les rives de la perception et à l’aube de l’Imaginaire se fait Océan, Mer, Ouverture et Cieux ; l’homme voyage, visite le temps, touche et retouche les notes de la lumière, les condense, les déploient.
Le pinceau devient cantique des mots que l’on ne dit plus, silences calligraphiés, lueurs, embrasements et clartés qui vont au-delà de la pensée et du sensible éblouir l‘âme… Un autre langage encore plus cristallin vêt les couleurs du jour… Le pinceau, le couteau, le fusain se font doigts et les doigts à l’âme obéissent, plaisent aussi.
Tandis que la Matière, malléable à souhait et qui en tous ses pigments exulte, un monde renaît, qui s’étend et prend vie pareil aux mirages sur fonds de désert.
L’Artiste couche sur la toile la peau ouvrée de la terre, l’azur ondoyé des flots, le parfum exaltant des fleurs, la légèreté étrange et sombre des nuées ceignant l‘azur. Il compose, il ose des ciels menaçants et la sérénité de la grève, des masures cernée d’arbres, disséminées au cœur des collines et du port n’en est que plus révélée, apaisante.
Et que dire des noces de la terre et de la mer, de ces calices aux suavités indicibles qui telle une oblation versent sur la grève les sucs des mondes !
C’est un éveil à l’Océan, longuement mûri, secret et sûrement profond qui hantait l‘homme depuis si longtemps, avant qu'il ne revêtît un jour les reflets du ciel.
Une vague de fond s’est levée au cœur de l’étale, entre le flot et le jusant qui vient obliquer et abreuver encore une fois le cours d’une vie qui allait irrépressiblement au fil de l‘eau matricielle ; un port insoupçonné est apparu de la brume des songes …
Une explosion de nuances, de tons, de teintes et de contrastes emmenée vers la lumière omniprésente font parfois de ces tableaux la révélation d’un monde où prévaut l’horizon, l’existence, la frontière et la limite de deux vérités qui communient et se livrent sans autres partages que le rivage, ainsi que mille espérances.
Oui, une voile, un phare, des bateaux confiés aux pulsations de la mer ; une nature morte, une perspective que noie la matière et les fonds en leurs reliefs ; le grain assorti au sujet, délicatement ouvragé, ce travail étonnant au toucher délicat du regard qui vous plonge dans une illusion suggérée encore plus insistante, poignante, aux confins de l’imaginaire ou, plus abrupte, tel un sentiment de solitude, de quelque dépassement, de toute obsession aux philtres incontournables de l’amour …
Toiles pleines et entières où le Peintre accorde le rêve au mouvement, aux convenances du Ciel, laissant ses penchants tirer les voiles de la lumière du jour, au bord de la nuit, des abysses, ou tout à leurs convenances.
Quelles féeries de couleurs, enchevêtrements de touches et d’esquisses rendant ainsi compte de l’ineffable clarté des eaux, le mirage et le miracle aussi de la flottaison, de cet envol si particulier de la barque, du coursier des mers cavalcadant au-dessus des fragments d’azur.
Il y a en ces élans inondés de soleil, la chaleur ocre et rouie du temps que portent les bateaux dont on saisit la liesse, l’engouement et la vélocité.
Il y a dans cette œuvre toute la fougue d’un marin demeuré longtemps à terre et qui eût aussi longtemps attendu de larguer les amarres, de courir les vastes mers.
Que le Morbihan est bien présent dans la structure et la composition même de ces marines de toutes beautés, chaudes comme une terre tournée vers le Sud et qui se jouerait des latitudes plus froides, couverte de fleurs, et que caresse le dessein des oiseaux, le dais satiné des ciels.
Ces côtes lumineuses et ce foisonnement de toits reluisants comme les reflets de la mer argentée, ces toits d’ardoise ou de glaise qui ont gravé des siècles d’embruns, de solitudes et de tempête. Les ciels de la Bretagne en témoignent quand la profondeur des tableaux est déjà une invite au départ, au grand large, à l’adieu. Entre la douce tiédeur orangée des limbes et le jais des volutes célestes, je découvre l’aura du voyage, celle d’un automne perpétuel que porte l’arc-en-ciel, cet univers en partance que signe le vol majestueux de la frégate, du fou de bassan, fatale présence ou expression de la vie en sursis au-dessus des lames.
Et ces oiseaux, si souvent présents, ébauchés, voiles parmi les voiles de l’espoir, blancheur ou pureté venant à l’encontre des vagues hiémales ! La terre est si proche où se devine en de poignants souvenirs que leurs ailes retiennent et caressent.
Je m’attarde ; là une coque vieillie au premier plan et la force, la majesté du bois aux cœur de la pêche, de la survie, de la lutte, ce bois qui grince et qui craque sous les coups de temps … Dans les lointains presque fabulés, ces masures, un foyer si chaud, si petit, comme une interminable attente ! Hugo n’est plus loin ; le laboureur et le pêcheur ne convolent-ils pas le même Ciel ?
Et c’est ainsi que pour un moment, j’habite, j’emprunte seul l’univers du Peintre comme je m’élance en la vérité, au verdict de la grande marée, d’un estran féerique ;
me risquerais-je hélas ! maladroitement à vous en faire part si je d’aventure je tutoie sa pensée, ses rêves ? Ne leurs appartiennent-ils pas exclusivement au risque de les précipiter vers la démesure, la maladresse, l’inconvenance ? Je m’en voudrais tant !
La mer, l'embrun et ses voiles diaphanes ne sont-ils pas ces paroles de silences que l’on ne cueille qu'à l’étrave de l’âme, de ses désirs les plus profonds, de l’amour tout simplement, porté et offert à l’au-delà ou à travers toute tentative louable de transfiguration du réel ?
Je ne saurais dire l‘émotion que suscite en moi une te rendu, une telle intensité éployée sur la toile alors que ses dimensions importent peu. Comme l’instant est parcelle d’éternité, le tableau dans son intensité et ses perspectives bouscule l’horizon, en suscite bien d’autres, au-delà des sens, en notre cœur qui s‘ouvre désormais prêt à recueillir un flot nouveau… La toile n’est plus espace mais évocations lointaines …
L’Artiste possède maints tours habiles à caresser le glacis des pentes et des vagues où dansent les bateaux, ces voiliers qui se prêtent aux jeux de la course, à l’insouciance parfois face aux campagnes humides, à cet antre terrible jadis tant redouté…
Le gris et le bleu déclinés en camaïeux, également pour les ocres et le pourpre, enfin vers ces cieux des extrêmes qui délirent du levant au couchant, envahissent de tourments et de violences l‘atmosphère de ces contrées, de cette terre qui avance le plus au large de toutes les terres. De ces violences du ciel dont on sait là-bas se prémunir, attendre les semonces pour mieux vénérer un clocher, appeler un port, sceller une attache, un pacte indéfectible.
Émotion, émois, souvenances, racines, attachements ou alliances lointaines, un peintre couche sous nos yeux les suppliques, les attentes, les espérances et les rêveries de l’Océan, de tous les enfants de la mer.
N’est-il pas vrai qu'à l’extrémité de la terre, le ciel demeure au pied la jetée, que les vents murmurent au détour du phare l’adieu et, à la fenêtre ouverte sur le large, annoncent le retour ? En l’attente, en la patience mûriront encore et toujours tant d’espérances ?
L’univers du peintre se fait humilité, présences recueillies face au ciel et à la mer emplies d’harmonies et de beautés ; on y ressent la prégnance perpétuelle mais magnifiée des grandes énigmes de l‘imaginaire, un moment figé sur le seuil de l’inconnu, au-delà de l’azur, si près de l’éther, de l’empyrée ; ne dit-on pas que des mains sourd la poésie, la rime que l’amour noue au destin ? Et si l’imaginaire préfigurait l’éternité
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C-G C
Vincent VAN GOGH