FICARIA - PENSEES D' UN MARIN SOLITAIRE ...
Ficaria
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C'est un lieu chargé d'histoire et de croyances, empli de vestiges sacrés dont les origines remonteraient au IV Siècle de notre ère. L'endroit confère aux harmoniques d'une nature subjuguante, à l'irréelle beauté d'une Île posée sur l'autel de l'azur. Entre les oliviers sauvages, les vieux chênes et un maquis littoral très dense, les ruines courent les halliers et les taillis. Elles sont à peine visibles, envahies par le couvert des saisons, soumises à l'engeance de l'oubli et de l'abandon. Les murs d'enceintes et les absides se perdent sous les ronciers impénétrables.
La jeune chrétienté gagnait ici les rives de la Méditerranée après les conciles de Rome, Arles, Nicée. On rapporte que les évêques portaient encore les traces physiques des tortures et des sévices perpétrées par l'Empereur Dioclétien, infligées aux Chrétiens. On évoque aujourd'hui le culte, les rites paléo-chrétiens en de nombreux sites de l'Île de Corse, nuances aux accents de lointains décrétées par la docte science humaine toujours imprécise, interprétative.
Les ruines d'un vaste ensemble baptismal comprenant plusieurs chapelles juchées en bord de mer, entre les blocs cyclopéens de granit mordorés, résistent encore sur les contreforts de la dune et ont été juste consolidées après les camapagnes de fouilles qui se doivent de remplir les musées. Les larges murs arasés par les siècles et toutes les déprédations émergent çà et là des tumuli de terre et de pierres. On devine à peine quelques structures régulières et si rondes, ces excavations dans le sol qui pourraient être tombales, de larges bénitiers taillés en forme de coeur qui auraient scellé l'existence à l'amour de Christ dès les premiers mois de l'éveil, entendu les paroles sacramentelles du baptême, reçu les douceurs du chrême, les larmes de l'ondoiement peut-être.
Le grand domaine littoral n'en devient que plus solennel bien qu'il demeure à l'abandon, caché outrageusement par ces volutes de verdures chaotiques. Le protégerait-on ainsi de l'affluence, du nombre, de la foule afin qu'il reste pour des siècles encore l'antre inviolable de la vie éternelle, du renouveau ? C'est un lieu de recueillement caché de tout, au coeur même de la multitude ...!
Ici, l'on baptisait, l'on célébrait l'office religieux, plusieurs baptistères jouxtaient les petites chapelles sur les rives azurées d'une île acquise aux Évangiles, aux Béatitudes, au Cantique des Cantiques, aux Psaumes... Le temps aura passé ; dans les racines du chêne qui arrachent aux murs leurs pierres tumulaires, dans les fonts baptismaux poussiéreux et sauvés on perçoit dans les lointains la liturgie, le chant louangeur et révélateur de la nouvelle Église, la voix d'une Foi immense...! face à tant de splendeurs, enveloppé des douceurs de la brise, enivré des senteurs du maquis, professant l'allégeance au Messie, à ses paroles de bonne volonté, on eût souhaité que cette thébaïde marine pérennisât le rituel séculaire des premiers Apôtres.
Oserions-nous décréter qu'en cette époque le dogme, l'ambition et la hiérarchie outrancières, les schismes naissant des dérives inéluctables des premiers exégètes n'eussent jamais commandé aux élans de foi des bergers de Jésus ? Le Christianisme émergeait des affres de la persécution en se dispersant, gagnait ces contrées encore vierges des pourtours de la Méditerranée prêchant les enseignements fidèles à la foi évangélique... Témoignages certes des premiers chrétiens portant leurs messages de paix et d'amour.
Comment de telles odes à la félicité éternelle fondant le prêche de ces hommes, imprégnées de vérités tracées et divinatoires eussent-elles pu plus tard générer, éveiller tant d'apostasies et de courants hérétiques, blasphémateurs et il faut aussi le dire négationnistes par complaisance ou allégeance aux pouvoirs temporels des rois et des empires assoiffés de puissances et de richesses ...!
Et pourtant, quels humbles lieux de dénuements eussent autant oint de sainteté et de souveraineté les Saintes Écritures. Il n'étaient point d'autre monde qui eût valu celui de l'espérance où l'âme se donnât pleinement à Dieu.
Sous le ciel purifié de l'existence et la divine onction, au seuil de la vie, l'homme concédait près de la mer, confiait à la litanie des flot le perpétuel recommencement. Et l'on ne voudrait y voir, deviner, entendre ici couler que ces fonts mélodieux de prières et de vertus élevées avec force d'amour et de vérité essentielle, prononcer les Sacrements uniques du baptème pour l'éternité.
Le baptistère primitif, la cuve baptismale recueillait en leur sein le fruit, le principe intangible et irrémissible de la vie. Qu'ils fussent abrités ou en plein ciel, ces rivages élus et paisibles rayonnaient des faveurs du Dieu des cieux...
On prétend qu'ici, les messagers du Christ appareillaient ou s'en revenaient pour l'Afrique, l'Ibérie arborant le chrisme de Constantin, afin de porter le rite, les sacrements et le baptême Outre-Mer.
Le Levant s'est établit et fraîchit. On entend tout près le clapotis des flots courts de l'anse ; le vent vient de la terre et porte vers les contrées africaines. Il eût fallu aux annonciateurs de la bonne parole ce même souffle pour les guider au portant vers le Sud, arborant les voiles immaculées qui gravissent le Verbe messianique.
Sous le dais des oliviers et des chênes, la terre remuée, un remblais naturel accoté à l'été et à la fièvre des plaisirs et des jours, de la foule, chapelles et baptistères sommeillent. L'histoire hérissée d'ignominies, parcourue aussi des plus beaux récits du monde réveille en nous l'esprit des serments.
La destinée vouée à croire en l'au-delà, par devers l'homme, avait relégué tous les dieux de la terre et des temps et reconnu le berger des hommes. La divine Providence se profilait à qui voulait croire en l'infinie bonté d'un Dieu d'amour. Mais le Dieu miséricordieux, rattrapé par le temps, à l'aune du siècle, n'en devint que trop humain.
On vit avec horreur le XX ème Siècle clore le II millénaire, siècle de l'Antéchrist, des anachronismes sordides et iniques, du manichéisme le plus primaire et infamant qu'il nous ait été possible de déplorer dévaster l'Esprit Saint et la Civilisatin dans le coeur de chaque homme. On vit aussi tant de Dieux assis à la table des Rois !
Religion, nature et société sont bien là les luttes des hommes disait V. HUGO
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