LE CIEL DANS UN REGARD ...
Un être, non un animal que l'homme eût à tort nommé puis brisé ! mais un être, tout simplement, une âme au ciel dans le regard ... Et de là, le lien, ces liens auréolant l'icône multiple de la vie dans tous les états de la splendeur
...
Marin
Il manque à l'appel de nos retrouvailles vespérales un petit nom de chatte ; près de l'âtre, une chaise vide ... Un vrai prénom qui pourtant
résonnait comme l'écho joyeux de l'enfant jouant dans les chaos et les halliers du domaine... Adorable présence qui emplissait tout à coup le foyer en se faufilant par l'embrasure de la porte et nous rassurerait.
Cette nuit, tu ne dormiras point contre moi et le chant de ton ronronnement perpétuel ne sera plus que lointaine et déroutante litanie.
Un jour de printemps, je m'arrêtai en chemin, sur le bord de la route assassine aux contours du devoir et d'une décennie qui aura fusé ; une voiture venait de te percuter. Elle continua de
rouler, te laissant, là, inconsciente sur le macadam, gisant blessée et choquée ... Je te recueillis dans mes bras avant que l'on ne t'achevât sans vergogne.
Et je te portai tout contre moi auprès d'un docteur pour les " animaux " ! Il t'opéra et fit de toi une autre " dame ", en échange de quoi, je t'adoptais, pour toujours, tous
les jours ! ainsi devins-tu notre " Siamoise ", avec de grandes soucoupes bleu de ciels en guise d'iris qu'exaltaient mille tâches sombres et brunes, maquillant et tavelant un adorable minois. Nous t'aurons aimée plus de dix années, ne sachant à jamais quel âge te
donner au jour de notre rencontre, espérant tous les ans que tu en eusses le moins possible et, ainsi, te garder longtemps , toujours, jamais
plus tel un souvenir que l'on range dans la mémoire qui va ! je hais les souvenirs, surtout avec nos compagnons qui, hélas ! nous quittent si vite ...
Ce soir, les autres soirs de l'hiver seront désormais plus lourds, grevés de vent froid et de givre aux carreaux où graver deux syllabes qui nous étaient si chères !
_ Mes compagnons d'aventure, vous êtes si nombreux à partager la maisonnée et pourtant, un seul d'entre vous nous quitte et le vide gronde comme la mer
immense et seule !
Le ciel vers le ponant s'ocra ; le mistral se mit à souffler sous la ramée, plaintif ; je travaillais la terre, j'oubliais, quelque part, l'agonie, l'inexorable départ ... je
voulais que tout le champ soit rendue à la lumière d'un soleil couleur d' épis afin de te déposer et te confier aux rais chauds et ondoyés d'un éternel
printemps, comme si nous eussions convenu d'un hypothétique retour, ensemble, tous les deux, compagnons et profondément marqués l'un par l'autre.
Je nous pensais telle une empreinte que la terre des ancêtres combleraient d'espérances ou de rêves intarissables ... Il n'est qu'une âme unique, une chatte, un être si doux et si calin qui tant d'heures torturées aura côtoyé la douleur du partir, la réclusion et ses blessures, tant de choses qui n'appartiennent qu'au règne perfide et cruel des humains ; nos compagnons en perçoivent subtilement les rudes détresses. Un regard suffit à
nous entendre, à nous livrer par les plus tendres penchants.
Elle avait les yeux turquoises, de très grands yeux qui lui valaient l'ovale de la douceur et de la vérité; et dans de tels yeux, je voyais un Être
qui eût été bon, tous les génies de la Création ! Je perds à chaque les fois non la raison de vivre mais toutes celles de me lever le lendemain,
errant comme un gamin dans la nuit des songes inexpliqués... Je demeure tel le champi qui aurait appris encore une fois qu'un serein, un rouge-gorge se
laissa un jour mourrir de faim en ne voyant plus son grand ami, parti en voyage !... Il est des contes où les parents mentent si mal que des années,
des décennies plus tard, la vérité sourd et éclot comme une source claire !
Je sais tous les jours les affres et les souffrances de nos compagnons d'aventure, de l'unicité prodigue du lien tranché, partout autour du monde ; je tairai les forfaits tant ils sont ignominieux, atroces, indignes de l'homme et de Dieu, sur cette terre d'opprobres et de tortures ineptes !
Pourquoi, comment agir de telles sortes à l'encontre des compagnons les plus fidèles que les hommes aient jamais eu auprès d'eux, ces êtres doués d'âmes, si attachants et affectueux ?
Je puis vous dire une caresse, un regard, une présence, une telle complicité qui vous eussent raccrochés à l'existence, bien des fois, depuis la douleur et la désespérance ! Il y a dans le regard d'un fidèle errant la voie et le souffle qui se passent des mots, - dussent-ils s'en retourner de l'amitié -, pour enfin apprendre à être, à demeurer durablement parmi nos semblables
!
La voix silencieuse de la lumière dans ce regard numineux ! Bien des fois, ce petit être me fixait ; alors, une voix semblait me dire, qui n'était pas la sienne :
_ Regarde, j'aurai bruni, foncé son visage afin d'éclairer son âme, pour que vous la voyez, enfin, du plus profond de l'obscur et de votre nuit perfide et meurtrière ...
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