La force qui recharge les mas­ca­rets, qui fait boire la mer à la lune, qui fait mon­ter la lave dans les entrailles des vol­cans ; la force qui secoue les vil­les et qui assè­che les déserts ; la force impré­vi­si­ble et rouge qui fait grouiller dans nos têtes les pen­sées comme autant de cri­mes, et les cri­mes comme autant de poux ; la force qui sou­tient la vie et celle qui fait avor­ter la vie, sont autant de mani­fes­ta­tions soli­des d’une éner­gie dont le soleil est l’aspect lourd.

     ­Pour qui remue les dieux des reli­gions anti­ques, et brouille leurs noms au fond de sa hotte comme avec le cro­chet d’un chif­fo­nier ; pour qui s’affole devant la mul­ti­pli­cité des noms ; pour qui, che­vau­chant d’un pays à l’autre, trouve des simi­li­tu­des entre les dieux, et les raci­nes d’une éthy­mo­lo­gie iden­ti­que dans les noms dont sont faits les dieux ; et qui, après avoir passé en revue tous ces noms, et les indi­ca­tions de leurs for­ces, et le sens de leurs attri­buts, crie au poly­théisme des anciens, qu’il appelle pour cela Bar­ba­res, celui-là est lui-même un Bar­bare, c’est à dire un Euro­péen.

 

Antonin ARTAUD 

 

 

 

Sarcophagus_Prometheus_Louvre_Ma339

 

Cortège des dieux, sarcophage de Prométhée, 240 Après J-C / Musée du Louvres 

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