LETTRES, MAXIMES, EXTRAITS
ÉPICURE
Et la quête de la béatitude, l'apologie du plaisir, contre les parangons de vertu ! Évoquer les peines, oui, mais non sans contrepartie ; en effet, Épicure, chantre de l'Amitié, en fait une des conditions sine qua non de la félicité.
Philosophe de la Nature, comme le sont bien des Penseurs antiques, la Nature où aller et puiser à la source les causes des phénomènes qui nous entourent, les principes qui nous fondent en tant qu'homme, face aussi à la mort, à la crainte des châtiments divins, à la superstition immanente.
Et ainsi, de la connaissance, de la philosophie, érigée en tout, l'Ethique, en tant que voie véritable du bonheur, enfin, le Savoir, destiné à parfaire notre bonheur, ne servirait plus à rien si il eût failli en chemin !
Milema_Arte
MAXIMES CAPITALES
( 143 ) XII. On ne saurait dissiper ses craintes à l'égard des questions vraiment fondamentales si l'on n'a pas une véritable connaissance de la nature de l'univers, mais que l'on continue de s'inquiéter de ce que racontent les mythes. Aussi n'est-il pas possible, sans l'étude de la nature, de goûter les plaisirs purs.
XIII. Il n'est d'aucune utilité de se procurer la sécurité du côté des hommes, si on laisse subsister les inquiétudes au sujet des choses d'en haut, de ce qui se passe sous terre et, en général, de ce qui se passe dans l'illimité.
XIV. S'il est vrai que la sécurité que l'on peut obtenir des hommes peut, jusqu'à un certain point, venir d'une puissance solidement établie et de l'aisance matérielle, la sécurité la plus pure est celle qui vient de la tranquilité, à distance de la foule.
J'aurais un faible pour cette Maxime, Capitale ! ( M_A )
( 144 ) XVI. La fortune a peu d'incidences sur le sage, car les choses les plus importantes et vraiment fondamentales, c'est le raisonnement qui en a reçu la gouverne et, pendant toute la durée de l'existence, les gouverne et les gouvernera.
( 145 ) XX. La chair renvoie les limites du plaisir à l'infini, et c'est un temps illimité qui lui procure le plaisir. Mais la pensée, lorsqu'elle a pris en compte la fin de la chair, et sa limite, et s'est délivrée des peurs relatives à l'éternité, procure la vie la plus accomplie, sans que nous ayons aucunement besoin, en plus, du temps illimité. Toutefois elle ne fuit pas le plaisir, et au moment où les circonstances annoncent que l'on va quitter la vie, elle ne meurt pas en songeant qu'elle laisse derrière elle une part de la vie la meilleure.
( 146 ) XXV. Si tu ne rapportes pas en toute occasion chacun de tes agissements à la fin de la nature ***, mais que tu t'en détournes, que ce soit dans le refus ou dans le choix, au profit d'un autre motif, tes actions ne seront pas en accord avec tes propos.
*** La " fin " de la nature est ici la limite ou l'ensemble des limites que nous devons viser pour orienter et contenir nos désirs ; note de l'Edition...
RODIN - La DANAÏDE -
SENTENCES VATICANES
9. La nécessité est un mal, mais il n'est nullement nécessaire de vivre avec la nécessité.
10. Souviens-toi que, tout en étant mortel par nature et bien que disposant d'un temps limité, tu t'es élevé, grâce aux raisonnements sur la nature, jusqu'à l'illimité et l'éternité, et que tu as observé " ce qui est, ce qui sera, et ce qui a été " ( Métrodore - fr.37 Körte).
11. Chez la plupart des hommes, le repos est un état de torpeur, tandis que le mouvement est plein de rage.
14. Nous sommes nés une seule fois, et il n'est pas possible de naître deux fois ; ne plus être dure nécessairement l'éternité ; mais toi, qui pourtant n'est pas maître du lendemain, tu renvoies à plus tard ce qui donne de la joie ; or la vie est ruinée par l'attente et chacun, parmi nous , meurt dans l'affairement.
19. L'homme âgé oublieux des biens passés est né aujourd'hui.
23. Toute amitié est, par elle-même, digne d'être choisie, bien qu'elle ait son origine dans le bienfait qu'on en tire.
25. La pauvreté, mesurée à l'aune de la fin de la nature, est une grande richesse, tandis qu'une richesse à laquelle on n'a pas assigné de limites est une grande pauvreté.
30. Certains se préparent à la vie durant toute leur vie, sans percevoir que le poison mortel de la naissance nous a été versé à tous. ( Métrodore - fr. 53 Körte )
39. N'est un ami, ni celui qui recherche l'utilité en toutes circonstances, ni celui qui ne l'associe jamais à < l'amitié >. Le premier, en effet, se sert du service rendu pour faire du petit commerce avec les dons réciproques, tandis que l'autre brise l'espoir d'un avenir favorable.
56-57. Le sage ne souffre pas plus s'il est torturé que si son ami est torturé. < Mais s'il est victime d'une injustice de sa part >, sa vie entière sera plongée dans la confusion à cause de sa défiance et il sera terrassé.
59. Ce n'est pas le ventre qui est insatiable, comme le dit la foule, mais une opinion fausse d'après laquelle on n'a jamais fini de rassasier le ventre.
69. L'ingratitude de l'âme rend le vivant indéfiniment avide face à la variété des manières de vivre.
77. Le fruit le plus important de l'autosuffisance, c'est la liberté.
78. L'homme bien né se consacre principalement à la sagesse et à l'amitié, dont l'une est un bien mortel, et l'autre un bien immortel.
81. On n'est délivré du trouble de l'âme et on n'engendre la joie digne de considération, ni par la richesse, fût-elle la plus grande, ni par les honneurs publics et l'admiration de la foule, ni par rien d'autre qui dépende de causes aux limites indéfinies.
( 26 ) Sextus Empiricus - Contre les savants, IX - 43 / 47
... La même réponse peut être faite à la croyance d'Epicure selon laquelle l'idée des dieux est venue d'impressions, survenues dans les rêves, d'images ayant forme humaine. Car pourquoi auraient-elles donné l'idée de dieux plutôt que celle d'hommes gigantesques ? Et, en général, il sera possible de répondre à toutes les doctrines que nous avons recensées que l'idée que les hommes ont de Dieu n'est pas fondée sur la simple grandeur d'un animal à forme humaine, mais comprend le fait d'être dépositaire du plus grand pouvoir dans l'univers. Mais à partir d'où et comment ces pensées se présentèrent chez les premiers hommes qui formèrent un concept de dieu, cela n'est pas expliqué par ceux qui en attribuent la cause à des impressions saisies en rêve et au mouvement ordonné des corps célestes... A cela, ils répliquent que l'idée de l'existence de Dieu naquit à partir des impressions saisies en rêve ou des phénomènes dans le monde, mais que l'idée que Dieu est éternel, impérissable et parfaitement heureux jaillit par le biais d'un processus de transfert à partir des hommes. Car de même que nous avons acquis l'idée d'un Cyclope ( ... ) en agrandissant l'homme ordinaire dans l'impression que nous avons de lui, de même nous avons commencé avec l'idée d'un homme heureux, bienheureux, en possession de tous les biens, puis nous avons fait croître ces caractères jusqu'à l'idée de dieu, leur sommet.
Et, de même, ayant formé une impression d'un homme qui vit longtemps, les anciens accrurent l'espace et le temps jusqu'à l'infini en comblant le passé et le futur avec le présent ; et, étant ainsi arrivé au concept d'éternel, ils dirent que Dieu était aussi éternel. Ceux qui disent cela soutiennent une doctrine plausible. Mais ils tombent aisément dans le plus aporétique des modes, la circularité. Car en vue d'abord d'obtenir l'idée d'un homme heureux, et ensuite celle de Dieu par transfert, nous devons avoir une idée de ce qu'est le bonheur, puisque l'idée de l'homme heureux est celle de quelqu'un qui a part au bonheur. Mais selon eux le bonheur ( eudaimonia ) avait une nature divine ( daimonia ), celle d'un dieu, et le mot " heureux " ( eudaimôn ) était appliqué à quelqu'un qui avait sa déité ( daimôn ) bien ( eu) disposée. En conséquence, pour saisir ce qu'est le bonheur humain, nous devons d'abord avoir le concept de dieu et de déité, mais pour avoir le concept de dieu nous devons d'abord avoir le concept de l'homme heureux. Donc chacun, présupposant le concept de l'autre, est impossible à penser pour nous.
Voilà qui éclairera l'Actualité ! ( M_A )
EPICURE
Lettres, Maximes et autres textes
Traduction et Présentation par Pierre-Marie MOREL
GF - 1479 -