LA VASQUE DE MELAJA...
Au cœur chamboulé de la
montagne
Coule la rivière
Le torrent s'isole
L’eau se donne et dévoile insatiable
Ses désirs de pentes et
de chutes exaltées
Des volutes de roches
tumultueuses
En cachent le cours
secret et l’ivresse
La dissimule
mélodieusement entre étreintes
Et blocs cyclopéens
Le lit de la vallée s’évade
lissé des siècles
Abrite l’esprit de la forêt
de l’eau vive
Sous les arches et le
poids arqué de la terre
Plongent les racines des arbres
De la haute futaie et de ses mystères
La montagne jamais ne s'enterre
Les crues déplacent des
bribes d’éternité
Aux coins scellés d’obscurités
fécondes et cristallines
Les grands pins déclament
avec la brise
Leurs chants immuables de l’aube à la vesprée
Reprennent l'écho ondoyé des vagues de la mer
Pleurent aussi avec le faucon la fournaise criminelle
Ils semblent se coucher
sous la nuit des étoiles
Étendant solennellement leur
frondaison mêlée de silences
Aux pieds des sentes claires ombragées
Dévalent en souvenirs juvéniles de sources
Des cascatelles aux cœurs
d’innocence fidèles
Comme des voiles étendues et
drapées d’hyménées
L’eau douce court sur la
roche parfumée de limon
Une libellule bleue
volette la fougère frémit
Le houx viride s’abreuve
abondamment
Lève ses bras gorgés de
sève
Le jeune frêne encore
frêle frissonne
Ils gagnent ensemble l’azur et la
lumière partagés
Les arêtes noires des cimes ont ceint les cieux
L'infinie viduité en un seul regard
Je découvre l’arène
céleste que les nuages emportent
Bordée de cimes déchiquetées et
d’éclats de temps
Ce théâtre grandiose
glisse au fil de l’eau
Vibre comme une symphonie
un opéra vertical
Notes fluides et précieuses tintements d’émeraude
Vous peuplerez toujours
l’âme et le cirque enchanté
Je vais par le chemin je
suis la voix de l’eau
La rive du torrent
sauvage s’interrompt brutale
Elle barre la veine
gorgée d’abondances
Suspend un instant la vie
Joue et la disperse
L’étiole de sons diffus
d'enfouissements
La terre lourde s’est
prosternée
Elle languit de
promissions
Implore en un unique lieu
d'attentes
Le flux nourricier éthéré
des monts
C'est pour mieux le retenir et
le choyer
Au-dessus des pins
vénérables séculaires
Sous l’orbe minéral et la
crypte éternelle
Là où le soleil ne se
risque plus ose l’éclair flou
Éparpillé au gré des
branches en rais fous
Dansant le vent avec les
arbres et la vasque
J’ai retrouvé ici ma
naissance et je m’y suis lové
J’ai reconnu mes jeunes et tendres clartés
Ces brassées coulées des premiers ébats
Clapotis balbutiements
d’être et de conscience
La voûte cillée cligne de
mille reflets étincelants
Regarde l’eau s’élever et
graver la pierre
A l’orée de tous les
mondes reconnaissants
Auréolés de pureté baignés
de fraîcheur hiémale
Le hasard s’est perdu
troubles de la noce
Aux lueurs chuchotées du
matin crucial
Le torrent se repose un
moment il se recueille
Égrenant son périple au
fond accueillant du bénitier
L’eau revient des
entrailles de la terre louangeuse
Consacrer le baptême et
noyer la douleur
Au fond translucide de la nef torrentielle
La gerbe blanche sourd et jaillit
Avant de se fondre épaisse et délicieuse
Dans la pierre baptismale
Dans l'intimité de l'abside l'office est rendu
La nature enfante et
porte en elle le galbe originel
Les rêves et les songes
de l’homme
Qu’il lui suffit
d’habiter un moment
Pour côtoyer quelques
vérités et la création
Les pierres rondes et
multicolores
Tapissent le fond de la
vasque
Écrivent des mots étranges
Entraînent la piste aux
étoiles
Réveillent le tour des magiciens de la vallée
Vivent des rondeurs ou des
audaces de l’eau
Allant au bout de la
révolution des jours qui oscillent
Modeler le sillon
circulaire d'une l’existence qui vacille
Mourir en cascades
vers l’éternel retour
Et embrasser la mer natale comblée de poésie
De nourritures terrestres
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Deuxième écriture - 26 Juillet 2010 -
* Melaja, prononcer "Mélaïa"; c'est un torrent de montagne, au cœur de l'Île de corse, qui a vu brûler des milliers d'hectares de ses plus belles forêts de Pins centenaires.
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