UN REGARD POSE SUR LA MER
Les rayons du soleil perçant les nuages tendaient de larges haubans sur l'arc de la voûte céleste. Ils embrasaient les confins du jour à l'orée de la nuit. Basse et incandescente, la nef ployait au-dessus de la mer, offrant aux mondes, dans leurs immuables révolutions, les clartés dispersées et partagées de l'au-delà ...
Ainsi, le ciel et la mer fouillent inlassablement ces horizons incertains. Tout en se déchirant, ils s'illuminent et s'attirent, poussent toujours plus loin la roue du temps. Et l'on devine d'impassibles empreintes, les pas silencieux et la marche secrète de l'univers. Les pannes en lambeaux, telle la voilure de lin empesée que la tempête arrache à la mâture, font et défont les songes du marin resté à terre ; les yeux emplis de vastités, il a déjà quitté la rive ; elles recouvriront ainsi le mystère des eaux dans la quiétude vacillante du croissant de lune et de la croix du sud.
Aux pieds du temple, je contemple l'arène ample et la migration inexorable des heures. De l'Orient vers le Ponant, elles mûrissent lentement les saisons. En amont, les nuées en ballons rougeoyantes précipitent le jour, à chaque fois unique et multiple, forgeant tant de promesses d'aubes à l'enclume des premiers artisans du monde !
Le soleil décline et lentement il fond, il fusionne avec la mer. Elle apaise ses ardeurs, ravivant au fond des cœurs tant de braises qui couvent. L' hiver exalte le solstice ; pour un temps régénérant, l'orbe attardé et si doux de l'astre de vies effleure les songes de l'été.
Une île s'endort, se terre. La mer safranée s'enivre de large et rayonne tout autour de la terre, comme un seul et fulgurant voyage passé et à venir. Elle laisse aux montagnes et aux vallées l'ombre alourdie et brumeuse des frimas, un songe d'âtre et de foyer amidonné que la neige festonne au petit matin comme la fumée auréole le village endormi et qui goûte languissamment aux répits de l'automne
Le vent d'ouest est vif, il bleuit, frange et fronce profondément les vagues ; elles roulent aux rivages leurs nuances de houle, de longues litanies.
Un couple de goélands se laissent bercer par les flots et une bonne brise. Ne nous confient-ils pas, maintenant un profil immobile et figé, l'imminence du coup de vent de saison ?
Il viendra du Septentrion, de ces lointains où flambent les aurores, ces averses d'étoiles de mer chues du zénith, quand les tours ouatées de novembre déroulent au crépuscule leurs longues écharpes de neige, lorsque grondent le tonnerre et les foudres soudaines de décembre !
Le rivage n'est que partition majestueuse des éléments soudés l'un à l'autre. On dirait que tous les dieux de la création continuent de bâtir et d'éprouver les citadelles de l'étant, pour enfin semer une illusion de vérité et de beauté dans sa munificence ; c'est ainsi qu'ils décident de la métamorphose, de la fin en toute chose. Et passe à nos pieds l'inéluctable, l'onde invisible qui orchestre la vie et fonde la mort, ces hasards que les nécessités temporelles et périssables renforcent envers et contre toutes les certitudes passagères
L'oiseau mime les vents de ses ailes blanches, il anime mille desseins de baies envoûtants et libres. Des hautes cimes qui nous dominent et attisent le souffle marin, jusqu'aux regards percés des rochers, je savoure l'invite généreuse et irrésistible de l'azur. Il fait de moi ce passager improbable aux pas si légers, au sillage évanescent, allant d'îles en rives renouer quelques liens ancestraux et vrais, quêter ces refuges où le doute et les certitudes sont de l'humilité et du cœur, déjà inexistants, à naître aussi aux yeux du pèlerin que les mondes convient et rassemblent en une seule foi ...
Je serai bientôt mâture et haubans, gouvernail et barreur de tous les instants pour louanger les jeux bouclés et frisées de la mer et du vent. Oui ! la mer confidente tracera le bon cap et une route éperdus au cœur de l'embrun .
Je serai d'une seule bordée, si loin de la terre, m'accordant l'envers des cieux et la danse des astres. Et à l'attelage ailée des vagues, je boirai tous les sourires que la mer délivre. Je sillonnerai l'autre monde solitaire et ses dunes gorgées d'attentes, aux côtés mélodieux de mes fidèles compagnes, nous nous hisserons sur le plus beau chemin de ronde à la rencontre des rêves de toute la terre.
Puissé-je loger le vague souvenir, le songe mélodieux de la conque et du coquillage à révéler aux petits enfants curieux de toujours, qui retournent le sablier et empruntent les labours du temps en posant de justes et de si belles questions.
Je me suis blotti près de l'arche de pierre pour assister, comme une apothéose, à la résurrection des îles qui vaguent. Mais j'ai vu aussi, l'envers du décor, le regard immense des flots. Les monts comme le chaos de la foule qui tombaient en poussières, le grand charroi de la vie se précipiter et espérer la mer en sa perpétuelle ascension. Alors j'ai invoqué l'alliance et l'indicible hasard où croise tout être, chaque parcelle de néant tissant la chaîne et la trame vivante du temps . Dans l'univers vertigineux et sans appels des silences de l'azur, une divine harmonie gagne l'éternité autour de la lumière, exaltant la vie comme la mère enfante de toutes les humanités ressuscitées
1ère Écriture
21.11.2010
2 ème Ecriture
7.12.2010
3 ème Ecriture le 06.02.2012