TERRE D’ EX-ÎLE
AVIS AUX LECTEURS
Lorsque j'écris un Texte, quelque en soit le sujet, de la Poèsie à l'Article général, il s'agit d'une PREMIERE ECRITURE.
En effet, je reviens bien souvent dessus, retouchant, corrigeant, revoyant le fond du texte, ses ramifications, le sens profond.
Je porte ainsi, au bas de la page la Mention : " 1 ère Ecriture le .... " ; 2 ème Ecriture le ... !
Ceci est très important, archivant une base de travail à venir, dont bien souvent ne figurent que des " brouillons", des premières moutures à revoir et corriger en profondeur
...
TERRE D’ EX-ÎLE
Le bleu du ciel et de la mer immenses se confondent à l‘horizon. Un seul regard pour les rassembler, les aimer, les désirer ... Mes yeux vont solitaires et muets cavalcader avec les vents, semant comme promesse de printemps une rime à chaque flot. Posée sur le vélin parfumé des vastes prairies marines, une Île éclot au large, nimbée de brume et de songes que la brise disperse. Un Île qui veille au pacte de la nature originelle et de ses âmes …
Et il n’est nul besoin de l’artefact raisonnable, malléable à loisirs pour louer l’osmose des monts et, à leurs pieds offertes et languissantes, les plaines parfaites en de larges baies festonnées de sable et bordées d‘étangs.
Mais une ère de folies la châtie impunément, la terrorise en silence, ourdissant le complot du profit et de la spéculation convenus ; insupportables récidives à chaque saignée que l'homme opère sur la terre.
Les vagues de vents et les oiseaux y composent encore des îlots ineffables et symphoniques au cœur de l’aube. Les coteaux de la terre dévalent, se déplissent et versent l’absinthe rameuse des arbres, le pampre et le rocher rouis qui s’en retournent aux flots azurés. Et comme un couchant embrasé, une île sombre et renaît chaque jour de la forge des Cieux .
Et le vestige de pierre que la mémoire fond comme le verre, toutes ces effusions silencieuses composent l’ode virginale et sépulcrale des anciens aux seuils de l’étant aujourd’hui profané.
Mais depuis, afin de panser les blessures d’un monde abimé, écorché et du temps bradé, les conquérants argentés promis aux récompenses et à la distinction se perdent et se dispersent dans les travers de l’objectif et de l'ascension ; entre mode et paraître, ils se situent et brillent sur les terrasses innomables de la laideur.
Ils emprisonnent, cintrent çà et là l’authentique splendeur osant impudiquement l'horrible figement des parpaings et les effets spéciaux des noces et de l‘été pour un bain de foules voraces et une presse à sensations.
L’image est trompeuse et fugace, l’œil pervers et sélectif qui fragmente et ignore la scène primordiale, l’arène incommensurable que délivre l'âme solennelle de la terre ancestrale et ses penchants d’Île rebelle et abrupte.
La beauté étincelle au coup d’œil rapide et faussé de l’appareil, des artifices aux prismes filtrés de dernières générations… Et comme le travailleur acharné du jour, le pèlerin consommateur aveuglé exulte et vibre à l’unisson du cliché, du clip, du sensationnel à bas prix, de l’aventure facile à quatre roues motrices. Et pour parfaire l’onde avide, insatiable des sens, c’est une musique aux accords pathétiques, un grand chambardement d’élans et de lyrisme couleurs locales qui s’élèvent telle une homélie vers le sanctuaire et le temple de la Nature et sa divine munificence… Cette nef à ciel ouvert que l'on spolie et que l'on brade à portée de la main, dont on viole l’intimité à bord de l'oiseau de fer, de l’alouette biaiseuse aux yeux acérés du rapace conquérant ! Tant de séquences travesties, d'instants et de plongées dans le grand bleu à côté de la décharge, cachent une réalité que l'on fourvoie dans les anachronismes révoltants, complaisants d'une sale époque .
Il faut vendre de l’image, certes ! Mais à quel prix ? Chercher, trouver ces leurres populeux, les bénéfices juteux… Oui, la Terre et son orpheline sont encore si belles, uniques, à part, qui retiennent encore l’esprit des jours et des nuits souveraines aux portes de l’univers et de son créateur ... mais elle dépérit !
Il en est resté quelques encablures de rivages vierges et insoumis, presque rebelles et insolents bravant les admonestations et les outrages de la ville et des ses plaies.
Ces villes et leurs banlieues éclatées qui rampent comme une bête immonde creusant les tranchées, les fosses, les caveaux et les boyaux d’un morne et sordide combat…!
Celui de la hideur, de la laideur mené contre l’éclat pérenne et consacré des montagnes et des vallées, des plaines et des rives humiliées, des villages et des hameaux déguisés et disjoints ! Ces faubourgs que l’on ne montre pas, ou de si loin, subrepticement, aux yeux torves et confis de bêton, tournés vers un coin de ciel bleu ou de mer qui feront la joie et le bonheur de la propriété cloisonnée et monnayée au prix du fluide cobalt.
De ce combat des collines contre les titans d’acier capables d’araser sommets et vallons, d’enrocher l’abrupt pour y jucher dans l’anarchie quelques balcons pervers sur l’azur.
Et la mer des flots et son Île se vêt des frusques bâclés et dépareillés de l’avoir morcelé, vertical, éphémère, feignant d’ignorer la noble marche du temps et de la terre qui vont à vau l’eau avec les vents écrire le poème antérieur des nuages et la rime féconde des saisons.
Je vois une terre qui se meurt et disparaît au diapason de l’orchestre défait et tonitruant de la destruction, de l‘invasion estivale pléthorique. La cacophonie règne telle la victoire parée de tous les feux d’artifices et s’empare des torrents de vies purs dévalant des plus hautes cimes. Le massacre que l’on cache et que l’on tait rehausse et redore tout près quelques oripeaux chus de la grandeur préhistorique et de l‘évocation des poètes voyageurs.
Le bonheur et l’exaltation, certainement, mais aux creux d’un confort et d’un luxe, du lucre transporté ou cédé au prix incalculable de la terre des hommes calomniée, tombée en esclavage…!
Une terre joue ses derniers atours et des hommes en fixent outrageusement la mise, la devanture, les vitrines, l‘injuste et infamant procès... Mais plus rien ne va plus, les jeux et la règle sont faits et quelque puisse être ou devenir la puissance évocatrice du septième art, de l’image, du multimédia,
Plus rien ne rendra à la terre ses immenses espaces de nature et de clartés irrémédiablement souillés et conquis. Le chancre s’étend, se répand ; le ver est dans le fruit qui ne peut mûrir et s’écrase sous nos yeux.
L’image nous livre ce triste remède et emprisonne, enclave l’émoi au sommet d’une tour de porphyre, dans le vol d’un oiseau chassé, d‘une réserve et de ses sanctuaires assaillis. Une île arbore la livrée détestable d’une modernité argentée, d’une nouvelle féodalité dont les vassaux font de la terre les décharges sordides de l’avoir …!
Mais au fond, l’image ne saurait détrôner le ruisseau ou la source claire de l’homme fidèle épris de l’âme d’une Île meurtrie, terriblement blessée, dont la terre et ses enfants séculaires saignent sur les margelles du chaos.
Alors une Île abdique et vend à l’encan ses songes d’éternité dans la grand-messe du profit et du gain le plus facile. Qu'importe les termes de l’échange pourvu qu'ils ravissent sur le champ - de bataille - l’issue gratifiante d’une destinée inexorablement fuyante, périssable et encline à transformer en plus-value immédiate la sève de la terre, le suc de la mer…!
Immense joute où l’or des montagnes, une mer de platine sont mis à prix, sous la coupe réglée de la finance et de ses affidés, des chevaliers de l’image perverse enchaînés au faîte toni-truant de l’Euro.
Je croise au large, entre deux Îles. Je devine dans les lointains la bise blanche de la Haute Route et de l'embrun. La mer et la terre brassent dans leur immuable communion les sacrements de pureté et de fidélité que le commerce des hommes ignore d’achever à l’aune de l'égo, à coups de masses avides .
Dans un tumulte de grisaille, d’asphalte, le grand charroi aveugle de la vie et de la mort, comme des légions en marche, emporte de piètres reliques ou leurs souvenirs insignifiants et obsolètes de beautés perdues
.
1ère Ecriture le 8 Mai 2011
2 ème Ecriture le 15.04.2012