- A CARA DESCUBIERTA - DE CARA - VISAGE
De longs cheveux bruns et bouclés crénelaient les contours de son beau visage. Ils en soulignaient toute l'harmonie, les douceurs une à une révélées, comme le vent esquisse dans l'azur le sourire des vagues coiffées d'embruns. J'apercevais la Muse et sa lyre vaguant aux temps anciens des dieux... Un soupçon d’enfance accordait merveilleusement tous ces rivages amènes...
De fins sourcils relevés soutenaient l’aura d’un regard vif dont pour rien au monde je n’aurais osé interrompre la lumière, fuir les douces clartés. Il lui donnait un air surpris ou d'étonnement comme si l'éclair m’eut livré une révélation, les confidences solennelles de l’innocence et du premier amour. Elle ne le sut jamais ou si peu ; le devinait-elle peut-être ? Entre les murs blafards qui barraient ces émois, je lui retournais l‘écho timide du verbe blotti au fond du geste ; étions-nous complices de nos effleurements, de ces précipitations maladroites, signifiaient-ils entre nous ce même langage convenu et sans paroles ? Qui d'autre qu'un marin aurait pu lui susurrer les délicatesses que l’on caresse des yeux bleus de la mer, que l’on berce des mots les plus doux dans le tumulte gris de la ville et des servitudes ? Après les rudesses de la mer j'acceuillais tendrement ces douceurs.
Bien au-delà des sens, du trouble, de ces allants brusques et inattendus que la chair commande promptement aux amants d'un soir, s'instaurèrent entre nous le temps et ses silences grevés de pénibles absences. La nuit obscure et tourmentée, le désarroi muet arrimé à l’errance des jours se sont confondus, jetant à bas une conscience aveugle, interdite et si proche l’une de l’autre, gauche aux pas hésitants du doute, si bruyante et chaotique qu’elle ne saurait encore s'ignorer, se heurter, s‘oublier en elle, en lui, en eux après toutes ces années amassées, empilées comme les pierres d'un mur inutile ...
Oui, je suis là, je reste des heures à te contempler, à éprouver la foi en un seul sourire et en nos rencontres incessantes que j'attendais comme la prunelle de tes yeux ! la volonté inespérée de l’au-delà nous réunira, en vain et contre tout. Nous relirons ensemble ou à mille lieux l'un de l'autre tous les maux que tu emprisonnais entre chaque mot que je te concédais.
Je te regarde, tu es près de moi et tu ne peux me voir. Je te dévisage et tu n’en sais rien ! tu ne peux sentir mes doigts t'ébaucher d'un geste tremblé. La déraison de mon amour me suffit, ébauche les dunes évanescentes d’une présence, le sable pulvéral d'une silhouette qui poudroie l‘eau lustrale de mes sillages. Je t'ai cachée aux vents de mes résignations. Solitaire ? Oui, mais avec toi et l'hiver m'est si froid...
Je te voulais belle et parfumée. Je te savais soyeuse et bonne afin que jamais tu ne t’imprègnes de la fumée sordide des mondes légers qui t‘enveloppent et te ravissent. Que de fards, d’artifices enclins à tromper, à marteler la pénitence, le chemin des jours sans amour et qui me déchirent….
Jamais sourire n’aura si tendrement en mon cœur épousé la voix de l’unique, du cantique, déclamé la voie et l’alliance sur l’autel de la vérité et de la vertu. Frissons transfigurés emplis des sagesses de l'âge et qui me bouleversent, réveil du cotre aux tremblements imperceptibles des voiles sur la mer étale, vous me perdiez, faible et abandonné aux solitudes étamées, égarées, si larges et si profondes que l‘amour s‘y est abîmé. Et quand l’austérité du temps tendait les traits livides et hâves du tourment, creusait les marques du refus, il me semblait alors perdre le cap de la traversée, filer tout droit vers l’écueil fatal comme l'eau de la chute.
Je la devinais ainsi, blanche comme une colombe, inaccessible et si délicate. En ce jour triste et clair, je reste seul face aux gouffres ; l’indifférence, l‘improbable ceignent toujours ma vie et nos visages s'émacient et s'évitent. La Providence ne nous aura pas liés l’un à l’autre. Je n’aurais été qu’un possible moment, l’attrait fugace ou oublieux du désir, une moisson d’appas dont je me suis consumé. J’entends parfois monter des grilles de ma prison l’éclat de ses joies, je n’ose la regarder des barreaux de l'exil ; je garderais l’impérissable songe d'un rendez-vous manqué, n’osant que les maladresses stériles de l’évitement et de la fuite.
Je n’aurais pour elle, jamais plus ces accents de jeunesse, ces folles pensées mélodieuses cachées dans une chanson. Le poète et le chanteur ne seront plus ces merveilleux messagers. Mes belles années n‘ont pas embarqué sur le même vaisseau ; j'ai regardé passer dans le ciel limpide une flamme que le cristal et le sceptre étouffent sur la braise des nuages et d'un ciel à moitié tissu. Elle a brisé comme la foudre le cœur de la pierre tendre au firmament de l’âge mûr.
Tous les jours que Dieu fait, penche-toi sur l’indicible désastre. Je ne brandirai jamais le spectre de ta culpabilité ! Vogue à ta guise au fil du temps et tiens bon les rennes de l’amitié, de l'amour. Épargne-moi l'attache et le souvenir toujours délicieux de tes sourires ; ils ont lacéré l’envers de ma vie séditieuse. Comme Orphée, je me retourne, impatient de te retrouver, je romps l'impossible serment de l'alliance et je m'abîme, je naufrage. La mer me portera vers la rive où tu fleuriras toujours, comme les vagues, la chevelure adorée d'un vague Amour !
2 ème Ecriture le 4.03.2012
Gustave Moreau - 1865 / Musée d'Orsay
Jeune fille Thrace portant la Tête d'Orphée
MESANGE
Petite mésange tu es entrée dans ma chambre
Un soir de vent frais et de pâles lueurs
Hirondelle inespérée bleu nuit de l'été
Le coup de vent te porta au cœur de mes lectures
Et notre rencontre alors m’inspira ces pensées
Tu voletais cauteleuse parcourant en vain
Ce clos de fortune figé si gracile
Cernais-tu alors les rayons du soleil de minuit
Ces horizons masqués quand tu en tissas délicate
Un délicieux instant l'arche qui nous relie pour toujours
Le vol sûr et précis de livres en tableaux
Tu sautillais et virevoltais joyeuse
Me dévoilant sûrement çà et là cette confiance
Aveugle et muette que l’on reconnaît au frisson
Il ne manqua que ton chant pour nouer le lien
Alors délicatement comme un magicien
J’orchestrais sans heurts notre sommeil
Songe perpétuel bercé sur la plus haute branche
Tu y trouveras près de moi la paix et le repos
La brise nous emportera dès l’aube vers l’azur
Je sais que tu me devanceras au point du jour
Passagère de mes nuits prends ton vol
Comme il en fût ainsi de l’âme vagabonde
Qui tant de fois s’évade vers toi
Abandonne à la solitude et à l'ennui
La vaine durée et ses servitudes grevées
Et nous volerons ensemble comblés
De souvenirs qu'il nous faut espérer tendrement
Amour de petite Mésange dans le jour revenu
Elève à gorge pleine et de nulle part
Le pépiement insatiable de la jeune liberté
Les yeux grands ouverts sur le vélum de l'azur
J'ondoie encore comme ce flot de pensées
Le vague à l'âme unique des inséparables
1.07.2011
6.03.2012