UN ARBRE SE COUCHE SUR LE TOIT DU MONDE...
Ce choix d'images pour le mois, non pour le numérique ou la photographie en elles-mêmes mais pour ce qu'il se doit d'être rendu,
l'évocation d'un jour particulier, comme tant d'autres, emmenés dans la tourmente des vents insulaires. Nous sommes en été
et l'édifice, loin des clichés, des lieux communs se penche sur le cours éphémère des choses ...
Un arbre, un pin vénérable que les vents auront couché s'étend comme un toit, cherchant en vain à couvir le faîte d'un
couvent qui fut dans le temps un haut lieu de théologie et de recueillement ! Cet arbre rampe dans les airs, souffre de laisser
aux larmes du ciel le soin de précipiter le monument à terre ; Alors, poussières sans nombre dévalées, ô tumulte
assourdissant des pierres dénuées de paroles qui fondent les seules prières... Ainsi soit-il de l'abandon et des siècles égarés !
La nef crevée engouffre des flots d'azur que la tempête précipite en mugissant ! C'est l'écho des trancepts, du Choeur et des
travées, le murmure des lointaines et dolentes suppliques, de la liturgie et des litanies emplies de foi et de passion, des
grandes douleurs aussi qui voyagent hélas ! envers et contre tout chagrins...
Au loin, nos horizons marins parsemés d'îles, aux noms évocateurs de l'imaginaire et de la révolte, de l'exil, de la réclusion
des hommes sans compassion où l'enfance vient parfois glaner le fantastique des contes qui eût pallié pour un temps aux
pauvretés et aux injustices de ces mondes. L'histoire décide ainsi du ressac incessant sous le regard éteint des vigies et des
tours qui hérissent les côtes et qui s'enflammaient aux angoisses venues d'ailleurs ... Mais que d'azur brassent les éoliennes
toutes proches sans que l'on s'y attardent !
Et pourtant, voyez cet arbre, prompt et enclin à recouvrir les blessures de l'arche, se porter à l'aide de la voûte céleste
effondrée à jamais. Dieu que le sort des petites chapelles et des édifices majestueux des légendes et du sacré est rude et sans
appel ! Pourquoi chuter, crouler et déchoir, laissant à l'oubli et au temps le soin de les broyer ? Ne règne-t-il pas ici ainsi
l'ombre et la mémoire d'un sacerdoce, d'un apostolat pérennes abreuvés d'au-delà et de vérités ?
J'entends le son grave du bourdon qui fredonne l'avent, toutes les pénitences de l'âge scande au pas lent des processions,
l'antique et multiple office du jour, des fêtes que la prière égrène au chapelet d'une vie pieuse.
Et ce clocher qui ne fait plus chanter les cloches, figeant dans son regard les quatre points cardinaux, entre mâchicoulis et chapelles délabrées, il sombre ;
En face, une plus vieille sentinelle : le château médiéval. En contrebas, le port, une vallée ne drainant plus les fidèles vers la colline inspirée et ses hauteurs
... Pourquoi eût-il fallu dresser sur les rives de l'existence, au seuil du refuge des âmes tant de remparts, confisqué en la
grevant de sang impie la perfide certitude ? Intolérants et barbares les dogmes qui eussent à toujours blessé le chant dans la prairie
, une saison que la terre et le ciel accordent comme le soleil diffuse sa lumière pour tous ?
Vestiges, ruines, témoignages : je n'aime plus ces vocables réducteurs dès lors qu'on leur attribue le verdict d'un éternel
figement empreint de contrition, de pitié, de compassion qui auront trop souvent poli, arrondi les angles saillants au coeur des humanités distantes et
résignées....
Je voudrais tant que ces havres nous reviennent de toujours afin que nous puissions entonner le perpétuel rappel de la Voix
polyphonique, du cantique, du plain champ azurés de la vertu, de la vérité, de la fidélité...
Jamais maison de la foi ne saurait ainsi faillir et tomber en ruines, ne serait-ce qu'au nom du pauvre, de l'étranger, de l'être
vieillissant qui voit sourdre des fonts sacrés l' inépuisable, l'intarissable jeunesse du Verbe, du Verset, inexorablement et
unitivement, uniment !
Marin autour du Cap - Carnets de voyages - 1 ère Écriture le 07.07.2013