POURQUOI ? ...
Instants d’éternité, regards des vantaux de l’enfance tournés au-delà de l’horizon, vers ces pannes de nuages figées qu'inondent les ciels en camaïeux empourprés.
Je me ressouviens des temps immémoriaux bousculant, reléguant l‘âge adulte vers plus d'humilités, on dira tous sur la fin de la traversée, vers plus de sagesse !…
Je vous accompagne et vous visite comme l’aure au petit matin qui descend des montagnes orangées et qui signe l’éveil des cœurs, des couleurs et des fleurs. Et je vois tout ce que vous livrez de mystères, de secrets à l’aube du jour, de souhaits confus à l’orée de la nuit.
Je sais le cours impétueux et les révolins de la vie dispersée au hasard, on ne saura jamais comment ni pourquoi, aux quatre vents de la révolte, de la misère et de la peine ou de l’opulence, aux quatre points cardinaux d'une vaste frontière commune, de nos limites aussi, là où les latitudes font et défont l’épi de blé au soleil de l'été, donnent l’eau virginale tombée d’un ciel de printemps, déclenchent les colères subites montant des entrailles de la terre, les vagues immenses de détresse lancées à la côte des mondes de pauvreté qui ne cessent de trembler, de craindre l'ordre des nouveaux jours et la géhenne immonde toujours recommencée.
Il est encore un paradis terrestre, au-delà des océans, au cœur de la forêt vierge, partout où régnaient la multitude diverse et ses splendeurs... La terre rayonne toujours loin du Prédateur. Elle se découvre et se révèle comme un mirage, un miracle de la création inexpliqué. En son erre magistrale, tel le flot inépuisable, elle est survivance primaire, mémoire vivace creusant inlassablement les sillons fertiles du renouveau. Adaptations en devenir inéluctables, imprégnées de durées et de vérités, enclines aux subtils équilibres et aux symbioses enchanteresses.
Cachée, secrète, inscrite ou dictée, elle aura consacré sur le fil tangent de la ronde des astres les compromis du temps et de l’espace, ces fragments de conscience indispensables et nécessaires, eussent-ils été bien souvent irrévocablement sacrifiés sur l’autel de l'espèce dominante, faits marquant durement l'évolution depuis peu .
Il ne règne pourtant ici bas, au coeur de la nature, aucune manifestation délibérée du bien et du mal qui n’aient été prémédités ou sciemment réfléchis, reproduits d'extrême lucidité. Rêves, perceptions ou réalités, illusions, l’immense théâtre de la nature livre ses scènes et ses actes dans cette arène cosmique abritant l'être de chair et sensé jusqu’aux confins des hasards, de la nécessité et des plus étonnantes stratégies d’adaptation au réel. Là où nous ne verrions qu’adversités, fatalités, iniquités de la nature, le cosmos témoigne inexorablement de la quintessence de la création, jouit impunément de ces lois implacables qui le gouvernent…
Harmonies essentielles, originelles, symphonies divines qui s’épanouiraient, se prolongeraient en l’homme, qui habitiez déjà le passé, qui forgeraient ses fortunes futures et qui le poussez à croître, à se multiplier, faites qu’il puise en vous tous les subtils ingrédients, les riches enseignements du ciel, de la mer et de la terre, ces clartés enfantant leurs plus nobles et plus féconds desseins de partages.
Ne verrait-il pas enfin en vous les artisans immuables des différences, des richesses qui peuplent et font la terre depuis l’aurore d'une seule race et que les éléments auraient essaimée et diversifiée par soucis seuls d'adaptation ?
N’aurait-il plus de mémoire, vous ayant sans doute si vite oubliés, basculant dans l’air moderne et récupérant la barre fragile de son vaisseau dérisoire, déjà fantomatique ?
Quels merveilleux suppléments d’âme n’offrirait-il pas à sa Mère-Nature et à sa descendance, sur les pas merveilleux de l’équanimité, de l’ubiquité de ces terres de promissions, tendant désormais vers l’équilibre vital de toutes les contrées de peuplement, en route vers le respect prégnant de la vie qui éclot à chaque seconde et pour le salut du règne conscient ?
Quels génies meublent ces jours, déclenchent ces éclairs de connaissances ? Les années s’écoulent en lui comme chaque goutte d’eau rendue à la virginité de la mer, comme chaque grain de sable volant vers l’océan ondé des dunes. La mer et les déserts n’existeraient plus dépossédés de leurs îles et de leurs oasis providentiels… Il est de la partition originelle, naturelle comme les oasis et le puits sont au désert.
Le message des hommes à la nature est de toujours, il ne pourrait aussi n'avoir jamais été, si d’aventure ils précipitaient l’existence dans un enfer concentrationnaire de métal et de béton, de souffre acre, de dominations sauvages et destructrices.
Mais aussi, quelles damnations, quels travers ou fatalités bordées de cruautés l’entraînent dans les fosses séculaires, obscures de la souffrance, de la puissance dévoyée et aveugle, de la possession exacerbée, de ses orgueils anachroniques déchirant l’âme consciente de l’univers et de l’humanité ?
Je vais entre un songe de terre, un rêve de mer, dire une indicible image du ciel, cueillir la vie en bourgeons, ces moments qui n’appartiennent qu’aux années d’ombres croisant vers l’unique lumière, à la liberté vraie d’avoir été de toujours, qu'un instant d'éternité. Je palpe un tout de nuances, odorant, mélodieux sentant sourdre en moi les tendres rimes du flot bleu des jours épars, croyant sans cesse en ces messages d’amour que la nature prodigue, loin, très loin de l’antinature de l'animal hybride parvenu sur terre pour gouverner sans lendemain et qui se terrerait dans l’antichambre de l’oubli. Aurait-il décidé de conquérir l’espace pauvre et tari d’une seule existence aux années décomptées, sitôt engendré qu’ irrémédiablement condamné et voué à des faims, des blessures portées sans compassion, à une fin sans renaissance ?
Il ne saurait y avoir de monde sans la chaleur et le parfum exaltés de la communion Homme-Nature. Il ne saurait y avoir d’humanités sans le respect de toutes les formes de vie. L’humanité reste et demeure une idée précaire, une représentation hiérarchisée à outrance, une illusion préjudiciable à la vie coupée du monde qui l’abrite ; elle y chemine seule, entravée et sous le joug de la dimension conjoncturelle des dogmes, pour tourner en rond, avant de s’abîmer. Connaîtra-t-elle la douceur de vivre pour tous, s’adonnera-t-elle un jour aux rivages de toutes choses, aux cieux de l'espérance, ravissant aux rebuts des inhumanités ces possibles d'utopies, ces éclaircies que martèlent et assombrissent sans relâche les chantres de la force primale hissés sur un piédestal temporel, exagérément humain ?
La nature se serait-elle passée de l’homme, responsable avéré d’une telle infestation, pour perdurer et lentement péricliter ou n’attendrait-elle que lui pour parfaire ses desseins vers plus d’harmonies et moins de souffrances à tous les niveaux de l'organisation de la vie ?
Aurait-t-elle cru en l'homme, lui dévoilant les principes de l’évolution, afin qu'il y puise le sens du bien et du mal et pour vaincre de ce dernier ?
Elle gardera éternellement cette troublante propension à susciter la beauté, l’amour, le partage, la compassion ; que l’homme s’en inspire et la vénère comme notre mère à tous. Je ne voudrais pas, comme le disait Pablo Neruda, « … qu’elle se soit imposée l’homme pour châtiment… », ce châtiment qu'elle ne saurait mériter pour avoir si amplement tracé les voies et les choix multiples de nos vies en un seul point de l'univers, égaré certes mais à rejoindre comme un instant partagé d'éternité !
2 ème Ecriture le 5.04.2012
En cours